Le Prisonnier, la série numéro 1

Cinéma & Séries

14DÉC. 2013

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Le Prisonnier, la série numéro 1

14 DéCEMBRE . 2013

Écrit par Frédéric Brun

La plus métaphysique des séries télévisées, Le Prisonnier, est désormais disponible en Blu-Ray. Visionnaire, cette fiction d’espionnage dépasse très largement les codes du genre, grâce à son créateur, l’acteur Patrick McGoohan. Une ode à la liberté.

 

Trois craquements d’orage. Le ciel se déchire. Un cri rauque strident: celui d’une Lotus Seven verte, nez jaune, fend la circulation londonienne. Sourcil en accent circonflexe surmontant un regard sombre, Patrick McGoohan fonce vers on ne sait quel passage aussi secret que souterrain de l’Intelligence Service. Il tape du poing sur la table, la tasse de thé se brise. L’agent vient de démissionner. Au volant de son alerte bolide, il goûte à la liberté, rentre chez lui, boucle une petite valise. Vêtements légers et dépliants exotiques. Du gaz soporifique par le trou de la serrure rendra la destination plus surprenante que prévue. A son réveil, son home sweet home a été transporté au cœur d’un étonnant village coloré, peuplé de joyeux sujets chamarrés et numérotés, mais sévèrement gardé par d’inquiétantes boules blanches. Le piège vient de se refermer sur le Prisonnier. Le mystère s’ouvre pour le téléspectateur qui découvre, le 1er octobre 1967 sur ITV cette fable, sortie de l’imagination de l’acteur Irlando-Américain Patrick MacGoohan.

Pour le grand public, il est déjà une célébrité du petit écran. Il y incarne avec succès, depuis 1960, l’agent secret John Drake, raie sur le côté et impeccable complet de Saville Row, au cours des 86 épisodes de Destination danger (Danger Man). La série est exportée dans toute l’Europe et aux Etats-Unis. De facture classique, elle évolue peu à peu, sous l’influence directe de Patrick McGoohan. Ayant catégoriquement refusé pour des raisons morales et éthiques le rôle de James Bond, laissant le champ libre à un écossais inconnu du nom de Sean Connery, il insuffle à son personnage une dose de cynisme et d’irrévérence peu fréquente dans l’univers caricaturalement viril des feuilletons d’espionnage de l’époque. John Drake, bien que rompu au maniement des gadgets et armes à feu en tout genre, méprise la violence au profit de la manipulation et ne manque pas de s’interroger sur la légitimité de ses supérieurs à incarner le bien contre le mal. C’est durant le tournage de Destination danger, dont il réalise quelques épisodes en dilettante qu’il imagine Le Prisonnier.

Portmeirion, village ubuesque et multicolore bâti dans les années 30 sur la côte galloise, dans l’estuaire de Portmadog, par Sir Clough William-Ellis, un milliardaire excentrique piqué d’architecture, sera le théâtre de cette oppression carcérale. Télésurveillance, tests ADN, expériences contraires à la bioéthique, intimidation, nouvelles technologies : toute la panoplie du monde moderne est déjà en place. Le « Rôdeur », une grosse boule blanche, mystérieuse et terrifiante, étouffante comme la bureaucratie,  est le gardien ultime.  Les villageois n’ont plus de noms mais des numéros et l’on ne sait jamais bien qui sont les détenus et qui sont les geôliers. Les notions de « camp » ou celle du bien et du mal deviennent relatives. Les téléphones n’ont déjà plus de fils. Le système est incarné par un numéro 2, dont la vitesse de remplacement témoigne de la toute puissance de l’invisible numéro 1, mais aussi de la vanité inhérente aux serviteurs du pouvoir lorsqu’ils approchent le haut de la pyramide. Mettre en échec le Village, ne rien révéler des raisons de sa démission, démasquer le numéro 1, tels sont désormais les raisons de vivre de celui qui, dans son blazer noir à liseré blanc, refuse d’être le numéro 6.

La série connaît un immense succès et un vif engouement populaire en Grande-Bretagne. Confidentielle en France à l’époque, elle aura sa première heure de gloire dans l’émission « Temps X », avant de faire les beaux samedi après-midi de M6 dans les années 90, tenant une nouvelle génération en haleine. Les énigmes soulevées par le récit fantastique trouvent leur apogée, mais non leur dénouement, lors de la diffusion du dix-septième et dernier épisode le 4 février 1968. McGoohan, au terme d’un récit devenu psychédélique, laisse pantois son public, désarçonné, lorsque apparaît enfin le visage du numéro 1. Le scandale est immense. L’acteur-producteur reçoit des menaces de mort, il est molesté à Heathrow et doit fuir aux Etats-Unis où il fera la suite de sa carrière. Avec l’aide de son ami Peter Falk, sa carrière redémarre avec un certain succès dans les années 70. Il donne du fil à retordre au lieutenant Colombo dans plusieurs épisodes, incarnant notamment un meurtrier manipulateur roulant en Citroën SM. Il réalise aussi quelques épisodes parmi les meilleurs et sera récompensé de plusieurs Emmy Awards.

Au cinéma, avec une dérision empreinte d’amertume, Patrick McGoohan incarnera notamment le directeur de la prison dont nul ne s’échappe dans l’Evadé d’Alcatraz, de Don Siegel, aux côtés de Clint Eastwood. Il apparaîtra encore dans Scanners de David Cronnenberg en 1981, puis sera le Roi Edward dans Braveheart de Mel Gibson en 1995. Décédé à quatre vingt ans le 13 janvier 2009, il n’aura jamais livré son explication sur la parabole du Prisonnier ; lutte d’un individu contre le système, de la liberté contre l’oppression, et finalement, de la partie de cache-cache avec la mort qu’est la vie.

Au fait, si vous demandez qui est le numéro 1, des éléments se trouvent dans ces nouveaux Blu-Ray. Mais pour avoir la réponse, une seule solution: questionnez vous vous-même…

Bonjour chez vous!

 

Frédéric Brun

 

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