L’hiver en pente douce : cinq plats qui nous réchauffent

Cuisine

12FÉV. 2018

newsletter

Cuisine

L’hiver en pente douce : cinq plats qui nous réchauffent

12 FéVRIER . 2018

Écrit par Laurène Bigeau

Aux Grands Ducs, on aime par dessus tout le grand froid car il impose de prendre des mesures hédonistes de rigueur. Et puisqu’il gèle dehors, réchauffons nos coeurs et honorons le patrimoine culinaire français ! Les classiques bistrotiers nous vont si bien au teint. Mesdames, messieurs, si vous le permettez, ôtez les bonnets, coupez les téléphones portables, la rédaction vous livre ses coups de coeurs, nous passons à table…

Comment elle est votre blanquette ?

La Blanquette de chez Monsieur, à Paris

Rien de plus charmant, de plus désarmant qu’une blanquette. La blanquette c’est la réminiscence immédiate de l’enfance, celle qui mijotait sur le piano Godin de la grand-mère et qui augurait les moments de douceur, de complicité gourmande et de fous rire dominicaux. La blanquette, ce plat icône qui transpire le patrimoine tricolore, ses verts pâturages, son cinéma à la Audiard, la serviette fièrement installée autour du cou, ses tables de bistrot nappées carreaux, cette blanquette qui sert même d’amorce codée dans la bouche de Jean Dujardin, alias Hubert Bonnisseur de la Bath, l’espion d’OSS 117 : so french puisqu’on vous le dit !

Toute en rondeur, toute en crème, avec ses petits champignons de paris coulés à pic, ses carottes, ses oignons grelots et sa viande fondante à souhait, avec ou sans riz, il y a plusieurs écoles – on sauce, on se ressert, on sauce à nouveau, on se lèche les doigts.

chez Monsieur, Paris

Ma préférée c’est celle de chez Monsieur, l’ancien Relais Madeleine, à deux pas de l’église. Une adresse où il n’est pas rare de croiser un autre Grand Duc en flagrant délit de réjouissance des papilles. Une maison qui devrait être remboursée par la Sécu tant elle rend heureuse, arborant une carte remplie de classiques euphorisants, des œufs mayo aux profiteroles choco qui défrisent -le régime sera pour demain…

Et sinon cette blanquette ? Elle arrive fièrement dans sa cocotte en cuivre, déambulant en salle telle une star sur la croisette en train de monter les marches du Palais des Festivals : le couvercle tombe et les souvenirs pleuvent…. Elle est indécente tant elle est fondante et crémeuse, sa générosité traduit celle de cette maison souriante, pas de riz, mais des petites pommes de terres, de quoi sonner encore un peu plus français ! Fin du bourgogne blanc, profiteroles, café et calva, tiens il est déjà 16h, on travaillera demain…

Laurène Bigeau

Chez Monsieur
11 rue du Chevalier Saint-Georges
75008 Paris
Blanquette : 28 €

Le Pot au feu qui réconforte

Souffler le froid et le chaud. Le froid d’un hiver glaçant les vitres des fenêtres, givrant les branches des arbres décharnés et piquant le bout des doigts des passants. Le chaud d’un bon pot au feu, ultime refuge de la gourmandise des mois gelés. Le pot au feu, c’est tout ce que j’aime : un plat modeste, populaire enraciné dans la mémoire de toutes les familles françaises, faisant la part belle aux produits sans artifices et que l’on pense facile à préparer alors qu’il n’en est rien. Tout commence avec le choix des viandes, les os à moelle, les légumes de saison. Une longue cuisson, de la patience, écumer encore et encore, jongler avec les aromates, orchestrer les cuissons séparées, laisser gentiment venir.

Dans l’assiette creuse, enfin, il y a tout un monde. Du solide délicat, des chairs qui se délitent, des légumes tendres et parfumés, du liquide en bouillon aux saveurs profondes, du maigre et du gras (la moelle sur pain grillé et gros sel est un passage obligé)… Chacun y va de ses accompagnements, moutarde forte, cornichons… Le pot au feu, c’est un concentré de réconfort.

Au Roi du Pot au Feu, à Paris

Question adresse, on jouera la carte postale de ce « Roi du pot au feu« , au décor de cocagne, tables aux nappes à carreaux et fillettes de Côte Roannaise servies à la ficelle. Le pot au feu y est copieux, très honnête et au moins il est servi ici à toute heure et ce depuis plus de trente ans. Cela mérite bien un détour entre deux bourrasques !

Thierry Richard

Le Roi du Pot au Feu
34 rue Vignon,
75009 Paris
T. : 01 47 42 37 10
Pot au feu : 17 €

Les quenelles de brochet en sauce Nantua

Les quenelles à l’ancienne !

Images de l’enfance avec ses cylindres de semoules qui gonflaient dans le four jusqu’à trois fois leur volume comme par magie ! Confectionnées avec la chair des brochets pêchés dans la Dombe, la campagne lyonnaise et ses étangs. Énormes, racées et fumantes, les quenelles doivent se tenir et rester légères. La sauce Nantua (base de béchamel et de queues d’écrevisses) vient relever le reste. Gratiné au four, il ne vous reste plus qu’à servir un pot de Mâcon pour déguster le tout, et le tour est joué !

Le Garet, à Lyon

Mon adresse, une institution lyonnaise qui rend hommage depuis les années 1930 au bouchon lyonnais et sa cuisine bourgeoise dans un décor inchangé. Ce haut lieu de la Résistance (Jean Moulin a encore sa table) qui servit de décor à L’Horloger de Saint Paul propose entre autres aux touristes et soyeux lyonnais saucisson chaud, salade de cochonnailles, andouillette à la ficelle, tablier de sapeur, tête de veau ravigote et bien sûr quenelles de brochet. On fait descendre ça à coup de pots de Côte du Rhône pour aller gentiment vers un petit (ou pas) Saint Marcellin (avec deux L) ou une cervelle de canut avant de glisser vers la crème caramel. Après le café, un petit Marc Egrappé pour la digestion ! Pas de site internet évidemment mais toujours affiché à l’étage, le tableau des tarifications des dames de compagnie du début du siècle…

Guillaume Cadot

Le Garet
7 Rue du Garet,
69001 Lyon
T. : 04 78 28 16 94
Quenelles : autour de 15 €

Entêtée de la tête de veau

J’ai mis un certain temps à la savourer -c’est qu’il faut être conscient de toute une culture, de toute une tradition populaire pour l’apprécier à sa juste valeur… La tête de veau, c’est le banquet républicain du 21 janvier, c’est la sauce gribiche ou la ravigote, c’est la texture gélatineuse et grasse, le terroir et Jacques Chirac tout à la fois ! On lui fait honneur, à cette fumante tête qui d’ailleurs ne ressemble plus à une tête -c’est comme ça qu’on a réussi à m’avoir, enfant, la première fois- tant elle nécessite un fameux coup de main de cuisinier(e) : désossée, roulée sur la langue (de veau, bien sûr) et pochée… Des ors de la République aux troquets et aux cuisines familiales, en passant par la culture populaire (qui se souvient de Pierre Provence ?), elle nous console des longues journées d’hiver !

Aux Arlots, à Paris

Mon adresse Parigot tête de veau, c’est aux Arlots évidemment, minuscule bistrot d’hiver dans le quartier de la gare du Nord. Elle arrive bouillante comme on l’aime, avec ses petits légumes, ses pommes de terre onctueuses et sa sauce gribiche bien relevée. Bien sûr, on n’oublie pas le coup de rouge, pour que le réconfort soit total….

Elsa Cau

Les Arlots
136 rue du Faubourg Poissonnière,
75010 Paris
T. : 01 42 82 92 01
Tête de veau : autour de 15 €

Et si vous êtes plutôt bec sucré : soufflé n’est pas jouer !

Le Soufflé de chez Astier © Frederic Ducout

“Madame, je tiens juste à vous préciser que si vous souhaitez le soufflé, il faudra prévoir 45 minutes et le commander dès le début du repas” nous confie la maîtresse des lieux avec une bienveillance chaleureuse et un sourire qui en dit long…”Oui, je le veux” me suis-je vue répondre, plus convaincue qu’un jour de noces. Et quel bonheur de replonger encore et encore dans ce classique désuet où enfant, dans les années 80, ce dessert tenait les promesses folles de l’interdit, et nous faisait toucher du doigt au monde adulte. C’était certes un soufflé, mais au Grand Marnier… Le soufflé c’est tout simple et tout compliqué à la fois, c’est la légèreté, la cuisson idéale qui doit le faire gonfler sans le dessécher, c’est l’équilibre des saveurs, des textures, pas trop sucré, pas trop aromatisé, pas trop dénaturé….

Mon péché mignon, celui d’Astier. Encore une institution parisienne existant depuis l’après-guerre et quasiment restée dans son jus, le genre de maison où le temps s’arrête et où le service vous cajole avec une gentillesse confondante. Ici le soufflé au Grand Marnier est devenu un must et il est tout bonnement époustouflant. A commander à plusieurs, nous vous le conseillons pour 3 ou 4 tant il est généreux. Finement saupoudré de sucre glace comme les prémices d’une chute de neige qui vient chahuter la capitale, ses arômes délicats font frétiller les narines, il est aérien, tout en finesse comme de la poudreuse, le fond du moule est caramélisé et l’on se surprend, encouragé par la salle, à y replonger la cuillère, comme à la maison…

Laurène Bigeau

Astier
44 rue Jean-Pierre Timbaud,
75011 Paris
T. : 01 85 15 21 30
Grand Soufflé au Grand Marnier: 26€ (sur la carte d’hiver)

Toute une culture
A lire, parce qu’il ne faudrait pas l’oublier : Le cochon, histoire, symbolique et cuisine, Jacques Verroust, Michel Pastoureau et Raymond Buren, éd. Sang de la terre, Paris 1998

A écouter : Pierre Provence, La tête de veau

A regarder : Le best-of de Maïté 

Ajouter à mes favoris Supprimer de mes favoris
Saint-Malo : l’hiver à marée basse

Saint-Malo : l’hiver à marée basse

Ajouter à mes favoris Supprimer de mes favoris
Bestiaire du whisky : quand le malt devient sauvage

Bestiaire du whisky : quand le malt devient sauvage