Le triangle sensuel des Adieux à la Reine

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25AVR. 2019

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Le triangle sensuel des Adieux à la Reine

25 AVRIL . 2019

Écrit par Elsa Cau

Versailles, juillet 1789. Tandis que la rumeur gronde et enfle, derrière les ors du Château, les quelques jours précédant la Révolution s’articulent entre inquiétude muette et intrigues habituelles. Au milieu de ce microcosme, trois femmes sensuelles et leurs désirs contrariés : le jeu érotique – et funeste – peut commencer.

Par Elsa Cau

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Quelques bruissements de taffetas dans la galerie des glaces, quelques pas légers, pressés, dans un couloir étroit et sombre, une chaleur écrasante : le décor est posé.

Dans Les Adieux à la Reine, Benoît Jacquot use de ces derniers jours d’Ancien Régime à Versailles comme d’un prétexte; celui d’un triangle amoureux à l’esthétique léchée, entre la Reine Marie-Antoinette (Diane Kruger), sa favorite Gabrielle de Polignac (Virginie Ledoyen) et la petite lectrice de la reine, Sidonie (Léa Seydoux). Coupées du monde, à l’image du reste de la cour, les trois femmes se toisent et se désirent, en silence ou avec fracas, sur ce fond incertain de Révolution française…

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On ne sait pas ce qu’il en est. Au milieu des chuchotements affolés, entre deux secousses du microcosme versaillais, le spectateur vit les débuts de la Révolution de 1789 comme un habitué de la cour du Roi de France. Tandis qu’on nous épargne le commentaire historique déroulant les faits entre Paris et Versailles, on a tout le loisir de se concentrer sur le quotidien suivant, bon gré mal gré, son cours, chez les petites gens comme chez les puissants du château.

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Sidonie est la lectrice de la Reine. Sage, discrète, le visage poupon, répondant parfois avec l’innocence dure et fermée des enfants, elle se fait chatte apprivoisée pour Marie-Antoinette. Béate d’amour et d’admiration pour sa beauté de reine, qu’elle idolâtre comme une déesse antique, la douce et laiteuse Sidonie a la passion des novices.

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Marie-Antoinette, elle, a d’autres préoccupations. Elles ont un nom : Gabrielle de Polignac. L’irrésistible favorite ensorcelle sa reine, au point que cette dernière retient à peine un souffle d’excitation lorsque sa bonne amie fait son apparition. Comprimée par le désir et le manque de son amante, Marie-Antoinette est toute entière à sa duchesse qui la révèle en amoureuse profonde, violente même.

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Et pourtant, la reine est plutôt présentée comme futile, attachée à ses plaisirs vains (la mode, la lecture des Gazettes plutôt que des grands noms), s’ennuyant au fond mortellement. Elle s’amuse de l’amour de sa domestique, la traitant parfois avec une douceur maternelle, comme lorsqu’elle lui applique avec tendresse un baume apaisant les piqûres sur les bras blancs de la lectrice. La scène vaut le coup d’oeil : Sidonie retient son souffle, Marie-Antoinette ne peut ignorer son effet. Et tout l’art de la caméra réside dans ce geste érotique simple, presqu’inexistant.

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A d’autres moments, voilà la reine dure et insensible à l’amour éperdu de sa servante : Sidonie, nue en plein jour, s’apprête à se sacrifier pour Marie-Antoinette en se faisant passer précisément pour celle qu’elle jalouse follement. Mais la reine est ailleurs, sa pensée est avec la vraie Polignac, et les courbes pleines de la lectrice la laissent de marbre.

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Et la duchesse de Polignac, qui aime-t-elle ? Pas grand monde, semble-t-il, si ce n’est elle-même. Sûre de sa beauté et de son pouvoir, elle promène ses yeux félins et son corps souple dans les couloirs de Versailles, poursuivie par l’amour dévorant de sa reine… Jusque dans son lit, où la petite lectrice vient la quérir sur ordre de sa souveraine. Elle la découvre profondément endormie, soulève son drap et dévoile ce corps tant aimé de la reine.

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Filmé avec une sensualité sans pareille, le triangle amoureux et infernal est incandescent dans la suggestion : rien ne se passe, mais tout est là. Tout à coup, l’érotisme est partout, dans un regard, dans un geste suspendu, dans un détail ci et là. On ne se parle pas ou presque : les mots masquent à peine l’élan des corps. On en viendrait à sentir, nous aussi, la moiteur de ces journées d’été, l’excitation un peu animale qui se dégage de ce calme avant la tempête.

E.C.

On observe : Les Adieux à la Reine, un film de Benoît Jacquot,
On lit : Chantal Thomas, Les Adieux à la Reine, Seuil 2002
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