Fondation Hartung-Bergman, Antibes : Anna-Eva Bergman et Hans Hartung, un couple pour l’art

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29MAI. 2020

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Fondation Hartung-Bergman, Antibes : Anna-Eva Bergman et Hans Hartung, un couple pour l’art

29 MAI . 2020

Écrit par Aymeric Mantoux

Parfaitement méconnue -et à tort- Anna-Eva Bergman ne fut pas que l’épouse ou la muse du grand Hans Hartung. Leur fondation à Antibes (ô joie, ouverte cet été sur rendez-vous), bel exemple de l’architecture moderne, lève le voile sur les secrets de ce couple mythique.

Par Aymeric Mantoux

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Vue de la façade Sud de la Fondation Hartung-Bergman, © Fondation Hartung-Bergman

Le ciel est bleu dur, une odeur de pins et de résine caresse les narines et le soleil darde ses raysons. “Vous êtes sûr que c’est là ? – Oui, oui c’est ce qu’indique le GPS“, marmonne le chauffeur de taxi. Si vous le dites. Nous sommes au milieu d’un quartier résidentiel sur les hauteurs d’Antibes, dans une rue quelconque en pente entre deux collines. Rien, mais alors rien ne permet d’indiquer que la Fondation Bergman-Hartung – dont la plupart des gens ignorent jusqu’à l’existence-, est là, tout près.

Rien, à part un minuscule panonceau sur la grille agrémenté d’un interphone. Il faut montrer patte blanche, les visites ne s’effectuent que sur rendez-vous. Coup de chance, la galerie Perrotin, qui est chargée de valoriser l’estate  Hartung, nous a ouvert les portes.

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Vue extérieure de l’atelier d’Anna-Eva Bergman, © Fondation Hartung-Bergman

Planté d’oliviers, le domaine est vaste. C’est à peine si on voit la maison, prise dans la pente à la manière des bâtiments de la Fondation Maeght, avec leur architecture tellurique. Au centre du parc planté d’essences méditerranéennes, un grand rectangle blanc, découpé de fenêtres panoramiques. L’ensemble, très fonctionnel et inspiré du modernisme, est également très pur. Pas une courbe, pas un accident. C’est Hans Hartung lui-même qui a dessiné ce qui fut sa dernière demeure, ainsi que celle de son épouse Eva Bergman.

Rien ne devait perturber visuellement l’orage qui bouillait en eux. Dans leur salon, une photo en noir et blanc les représente à l’allure juvénile, dans leurs blouses de peintres. On croirait des pionniers de l’aéropostale qui posent pour la postérité après une traversée des Pyrénées ou de la Méditerranée. Lui le regard ténébreux, les traits fins, de grands oreilles sur des cheveux bruns courts. Elle, le visage ovale, les cheveux blonds mi-longs, les lèvres pincées. Ils sont beaux tous les deux. Mais l’histoire n’a retenu que lui. Autres temps, autres mœurs.

Pourtant, si leur couple fut bel et bien une réelle histoire d’amour, hébergée dans ces lieux à partir de 1961, il fut également un vrai enjeu artistique, chacun disposant de son atelier, à un bout et à l’autre de la propriété.

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Atelier de Hans Hartung, © Fondation Hartung-Bergman

Le formidable Thomas Schlesser, directeur de la Fondation, fait le guide. C’est en 1929 que l’Allemand tombe en amour devant la jeune norvégienne, à peine plus jeune que lui. Ils sont tous les deux sans le sou lorsqu’ils se marient à Dresde. Puis ce sera Paris, Minorque, Paris encore. Et la séparation en 1938. Ils ne se remettront ensemble qu’en 1957 !

La guerre éclate et Hans est incorporé dans la légion étrangère. Il reçoit une blessure à la jambe qui la handicapera jusqu’à la fin de ses jours. Mais fort heureusement, après la guerre, il rencontre le succès. Pleins de rage et de fougue, ses lignes et ses traits évoquent tour à tour Fautrier ou Soulages. Ce qu’on appellera plus tard l’abstraction lyrique.

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© Aymeric Mantoux pour Les Grands Ducs

Une nouvelle génération d’artistes s’emploie à reconstruire le monde artistique. Anna participe à tout cela, mais émerge plus doucement et dans l’ombre du maître. Elle reniera ses dessins figuratifs après leur remariage à la fin des années 50 et se lance également à corps perdu dans l’abstraction. Mais contrairement à lui qui noircit des toiles, Anna semble les illuminer, les transfigurer à coups de feuilles d’or et d’argent, d’inspiration nocturne à la lueur de la lune.

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Anna-Eva Bergman et Hans Hartung à Leucate, 1929 © Fondation Hartung-Bergman

Cosmogoniques, ses œuvres sont de grandes toiles, comme lavées, aux formes simples. “On y retrouve, explique Schlesser, la Norvège de son enfance, et les paysages si particuliers de fjords, de lacs, de glaciers et de montagnes enneigées.“ Très tôt dans son enfance, la jeune femme connaît une vie familiale rude en même temps que de solides dispositions pour le dessin, qu’elle cultive à 16 ans en entrant à l’Ecole des Arts Appliqués d’Oslo, puis à l’Académie des Beaux Arts.

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Anna-Eva Bergman dans son atelier, Antibes, 1975 © François Walch

Edvard Munch fait partie de ses influences précoces qui donnent quelques paysages symbolistes. Passage chez Steinhof à Vienne où elle découvre l’abstraction, puis à Paris chez André Lhote où elle s’ennuie. Ses dessins de l’époque où elle rencontre Hans Hartung rappellent les caricatures d’Otto Dix. Premières expositions et publications dans des périodiques viennois. On est loin de l’abstraction qui les a fait connaître, Hans et elle.

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Vue de l’atelier Hans Hartung, © Fondation Hartung-Bergman

Dix ans après leur rencontre à peine, la soif de liberté et d’indépendance d’Anna, la fait rompre avec Hartung. Pendant plus de dix ans, Anna sera caricaturiste de presse. Elle lit, observe et s’intéresse beaucoup à l’histoire de la peinture et de l’histoire de l’art. Se marie. Puis reprend la peinture en 1946 et se convertit définitivement à l’abstraction. Divorce. Remariage avec Hartung. Anna s’installe avec lui à Paris, découvre la gravure, l’eau forte.

C’est alors que son style devient plus personnel : son imaginaire développe des formes floues et les feuilles d’or et d’argent intègrent ses compositions. Les aurores boréales, les astres, les planètes composent l’essentiel de son monde pictural, toujours resté très proche de la géographie de son enfance (eau, ciel, horizon). Anna a du succès, expose à Paris, Munich, New York ou Oslo, représente la Norvège à la Biennale de Sao Polo, publie de nombreux ouvrages et se voit consacrer plusieurs rétrospectives à partir de 1955. La dernière, en 1986 au Musée Picasso à Antibes, est l’une des plus importantes, avec de grandes toilées inspirées par les éléments.

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Atelier d’Anna-Eva Bergman, © Fondation Hartung-Bergman

Anna meurt en 1987 dans cette somptueuse demeure à Antibes, en pleine démarche ascétique de son vocabulaire graphique qui se réduit à quelques formes, expressions et couleurs les dernières années. “C’est du Finnmark et de la Norvège du Nord que je rêve, écrivait Anna dans l’une des nombreuses missives adressées à Hans. La lumière me met en extase. Elle se présente par couches, et donne une impression d’espace différents qui sont en même temps très près et très lointains. On a l’impression d’une couche d’air entre chaque rayon de lumière, et ce sont ces couches d’air qui créent la perspective. C’est mystique.“ La lumière d’Antibes la mettait en extase. La visite de sa maison-atelier, qui fut en même temps celle de son célèbre mari, vous mettra en pamoison.

A.M

 

On y va ?
Fondation Bergman Hartung
173, chemin de Valbosquet, 06600 Antibes.
Tél : 04 93 33 45 92
Visite uniquement sur rendez-vous
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