Le style Chabrol,

La province, sa bourgeoisie, sa cuisine et son style

Style de vie

17NOV. 2020

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Le style Chabrol

La province, sa bourgeoisie, sa cuisine et son style

17 NOVEMBRE . 2020

Écrit par Guillaume Cadot

Claude Chabrol nous a quittés il y a 10 ans. Son étincelle dans l'œil et son appétit d’ogre ne nous régalent plus des petits travers de la société. Les horribles secrets de la bourgeoisie de province, les “petits qui se croient grands” enveloppés dans leurs vestes en cachemire, Chabrol aimait les raconter par le biais d’acteurs fantastiques qui ont fait le cinéma des régions françaises des années 70-80. Retour, souvent à table, sur le style de ses films, où l’inspecteur Lavardin, passionné par les œufs au plat et les travers des nantis, symbolise le style et le regard de ce grand cinéaste du terroir.

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La bourgeoisie au vitriol

« Je déteste les bourgeois, mais j’en suis un. Alors je me venge, je veux les rendre malade, qu’ils aient mal au cœur. » Claude Chabrol a toujours su nous divertir avec malice quand il couchait sur la pellicule la France bourgeoise et provinciale, ses manies et ses vices, croquant les régions et ses salauds avec délectation.

Son style à l’humour féroce était d’une causticité imparable. Chabrol aimait disséquer les mœurs et les manières de ses semblables. Les fractures sociales, l’adultère, les assassinats en douce pour quelques mètres de terrain, les petits arrangements entre le notaire, le maire, le médecin ou le gérant de la discothèque locale étaient, à travers ses yeux, jubilatoires.

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On retrouve la quintessence de ce style avec l’acteur Jean Poiret campant l’inspecteur de police Jean Lavardin. Poulet au Vinaigre (1985) et L’inspecteur Lavardin (1986) portent aux nues la bourgeoisie de province et ses coups tordus, ses repas dominicaux pour mieux étouffer le cadavre dans le jardin, les discours de l’écrivain catholique le jour et ses frasques libertines la nuit, le notaire et sa maîtresse connue de tous.

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Des acteurs délicieusement vaches, Jean Poiret en tête

Jean Poiret, truculent acteur et comparse éternel de Michel Serrault cabotant tous les deux dans La Cage aux Folles, joue un inspecteur amoral et cynique, ne ménageant pas ses témoins, écrasant avec plaisir la petite supériorité que s’autorise cette bourgeoisie, bouleversant l’ordre établi de leur ville. 

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On jubile de ses remarques assassines, de son œil pétillant, de son côté paternaliste pour mieux gifler ceux qui lui mentent. Grand amateur des œufs sur le plat avec une pointe de paprika qu’il prend au petit-déjeuner, l’inspecteur Lavardin sort ensuite sa baguette de redresseur de torts pour aller rosser les argentés -même s’il partage leur table. 

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Les dîners à la salle à manger avec service à la française, oeufs aux sardines et Bordeaux de propriété sont toujours un point d’orgue des dialogues de faux-culs dans les films de Chabrol !

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Ses nantis sont joués par de grands acteurs français de l’époque incarnant leurs personnages dégueulasses avec malice ; Jean-Luc Bideau, patron du night-club Le Tamaris, transpirant et vulgaire, se croyant au-dessus des lois. Michel Bouquet jouant le notaire, enveloppé dans son cachemire, froid et manipulateur, jamais en première ligne. Jean-Claude Brialy, amoureux de sa Jaguar MKI (ou II ?) vivant aux frais de sa sœur, cravaté pour séduire les deux camps, tantôt folle tantôt tonton idéal. Tout un poème.

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Le style bourgeois, du cachemire pour masquer les crimes

L’élégance bourgeoise est de mise dans ces deux films avec des matières confortables et douces. L’inspecteur Lavardin en tête. Veste de sport en cachemire beige, la chemise bleu ciel et la cravate tricotée. Le pantalon en flanelle grise et les souliers marrons à boucle. Parfois une veste à motifs carreaux. Mais toujours l’imperméable mastic. 

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Jean Poiret a été habillé par Lanvin dans le film de 1986, époque Patrick Lavoix. Celui qui a créé Christian Dior Monsieur donne la juste proportion aux vêtements de cet inspecteur Lavardin qui n’a pas à rougir de sa tenue face aux bourgeois qu’il ébranle. Un style français.

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Mais que seraient ces fables sur la bourgeoisie et ses drôles de moeurs sans les femmes de Chabrol ? Caroline Cellier (femme de Jean Poiret à la ville), Bernadette Lafond (et sa fille Pauline), Isabelle Huppert ou encore Stephane Audran. Des anges ou des démons toujours fascinants, jouant la grande bourgeoise dans le vice et la vertu, maquillée, bijoutée, coiffée, parée de fourrure ou de cachemire, la jupe mi-longue mais les bas-jarretelles, la cigarette en fin de repas et la carafe de cognac jamais loin.

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L’arsenic dans le potage

L’importance des scènes de repas dans les films de Chabrol souligne sa passion pour les plaisirs de la table. On disait de ses tournages qu’ils étaient ceux où l’on mangeait le mieux. Pas étonnant quand on se souvient qu’il les choisissait le guide Michelin à la main.

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Quand le journal Le Monde l’interviewe en 2005, c’est à la table de Michel Rostang, autour de cailles rôties et d’un gratin dauphinois qu’il parle… de recettes et des plats de ses films ! C’est que la table des bourgeois a ses secrets… « L’arsenic dans le potage, je n’excuse pas, mais je comprends » rappelait le réalisateur.

G.C

On lit : Chabrol se met à table, par Laurent Bourdon, éd. Larousse, Paris 2009

On regarde : Poulet au vinaigre, un film de Claude Chabrol (1985), et L’inspecteur Lavardin (1986) disponibles sur Canal + et sur iTunes.

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