Toulouse-Lautrec, les femmes sous toutes leurs coutures

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Toulouse-Lautrec, les femmes sous toutes leurs coutures

23 FéVRIER . 2021

Écrit par Laure Martin

Qu’elles soient bourgeoises, comtesses, chanteuses, danseuses, actrices, écuyères, ouvrières, blanchisseuses ou prostituées… toutes les femmes ont su trouver grâce aux yeux d’Henri de Toulouse-Lautrec (surtout les dernières). Figure incontournable de la période de la Belle Époque, ce peintre de la vie moderne n’a eu de cesse de réinventer la représentation de la femme de son temps, avec un érotisme bien à lui.

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Toulouse-Lautrec dans son atelier avec l’un de ses modèles, photographiés par Maurice Guibert, 1895.

 

Henri de Toulouse-Lautrec : de l’enfant aristocrate à l’artiste bohème

Originaire d’une famille noble d’Albi descendante des comtes de Toulouse, Henri de Toulouse-Lautrec grandit dans un environnement aisé. Issu d’un mariage traditionnel du XIXème siècle entre cousins germains, Toulouse-Lautrec développe des problèmes de santé dès l’âge de dix ans.

Sa maladie, la pycnodysostose, lui fragilise les os et lui cause une fracture du fémur qui aggravera grandement son retard de croissance : il ne dépassera jamais le mètre cinquante-deux. Sans compter que, comme souvent avec cette pathologie, les symptômes physiques sont apparus : les membres de Toulouse-Lautrec sont courts, ses lèvres et son nez sont épais, son élocution est perturbée…

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Henri de Toulouse-Lautrec, Le Sofa, v.1894-96 © The Met Museum, New York

Mais loin de lui l’idée d’être complexé par ses caractéristiques atypiques. Au contraire, grâce à une attitude joviale et une dérision certaine, Toulouse-Lautrec en joue. Armé de sa canne et de son chapeau melon, il se destine à devenir artiste à l’âge de vingt ans et quitte sa province natale pour s’installer à Paris. Proche des Nabis et des Symbolistes, il est influencé par la mode du Japonisme et s’inspire des courants artistiques de l’époque pour construire son propre langage pictural sans aucune hiérarchisation entre ses supports de création.

Bercé par le bouillonnement artistique du milieu montmartrois de l’époque, il croise notamment Van Gogh, Félix Fénéon et Émile Bernard au gré de ses joyeuses pérégrinations à Montmartre… environnement dans lequel il puise inlassablement son inspiration. C’est que Toulouse-Lautrec est un infatigable fêtard !

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Henri de Toulouse-Lautrec, Seule, 1896 © Paris, musée d’Orsay.

 

Carmen Gaudin, le premier modèle fétiche

 

« Je peins une femme qui a la tête en or absolument » – lettre de Toulouse-Lautrec à sa mère, printemps 1984.

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Henri de Toulouse-Lautrec, La Blanchisseuse (Carmen Gaudin), 1889, DR

En 1884, lors d’une balade dans les rues de Montmartre aux côtés de son ami Henri Rachou, conservateur et camarade d’atelier, il croise Carmen Gaudin et la remarque instantanément pour sa chevelure rousse et son « air carne ». Elle devient alors l’un de ses modèles fétiches.

Il lui consacre une série de tableaux entre 1884 et 1889. À la manière d’un photographe qui expérimente les possibilités de la captation, il la représente de dos, de profil, le visage baissé, la tête penchée… Mais ce qui interpelle avant tout dans ces portraits c’est le traitement particulier qu’il accorde à sa chevelure… Elle est flamboyante. Elle n’a de cesse de se détacher d’un univers chromatique sombre qui marque le début des œuvres de l’artiste, en témoigne le portrait de 1884.

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Henri de Toulouse-Lautrec, Rousse (La Toilette), 1889 © Paris, musée d’Orsay

Véritable caractéristique de société, sa chevelure détachée témoigne surtout de la bassesse de sa position sociale. En 1889, Toulouse-Lautrec la représente même en tant que blanchisseuse. Harassée par le travail, elle est figurée en chemise blanche et chevelure éclatante face à son linge froissé. C’est un véritable parti-pris de représentation pour l’époque : l’artiste choisit de se focaliser sur les nouveaux types de métiers qui émergent pour les femmes à l’ère de la vie moderne…

 

Du Moulin Rouge au Chat Noir : Toulouse-Lautrec fasciné par les danseuses 

Carmen Gaudin chante sous le nom de Rosa la Rouge dans l’illustre cabaret artistique de Rodolphe Salis, Le Chat Noir. Toulouse-Lautrec est, bien sûr, l’un de ses premiers admirateurs. Plus globalement, il est séduit par les filles sans fard qu’il peut croiser dans ces nouveaux lieux.

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Henri de Toulouse-Lautrec, La Goulue arrivant au Moulin Rouge, 1892 © MOMA New-York

Véritable acteur de la vie parisienne, Toulouse-Lautrec fréquente constamment les cabarets, les théâtres et les cafés montmartrois. Il est un des fervents fidèles du Moulin de la Galette, du Divin Japonais – l’actuel Divan du Monde – et du tout nouveau Moulin Rouge inauguré en 1889… Fasciné par cette ambiance festive, il décide alors de la retranscrire sur la toile. Dans l’œuvre Au Moulin Rouge, il se représente d’ailleurs au fond de la toile en train de chercher sa table au sein d’une ambiance intimiste et festive…

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La Goulue, tous les soirs au Moulin Rouge, affiche de Toulouse-Lautrec, 1891. DR

Sans aucune idéalisation, Toulouse-Lautrec dresse surtout le portrait des stars de l’époque : Jeanne Avril, Yvette Guilbert, Grille d’Egout, Nini Pattes-en-l’Air, la Môme fromage ou encore Louise Weber dite « La Goulue » … Aucune danseuse de cancan n’échappe à son pinceau.

Mais c’est La Goulue, modèle favori de l’artiste pour ses grands écarts et son « port d’arme », jambe jetée à l’horizontale, qu’elle seule sait réaliser à la perfection, qui s’impose dans un grand nombre de tableaux. Toulouse-Lautrec, particulièrement inspiré par sa manière de manier le jupon, la figure notamment dans une affiche pour le Moulin Rouge en train de se mouvoir devant Valentin le Désossé, célèbre contorsionniste et partenaire de danse.

 

Des professionnelles de la danse aux professionnelles de l’amour

Il est bien fréquent que Toulouse-Lautrec finissent ses nuits dans les bras des filles de maisons closes qui fleurissent le paysage de l’époque (vous souvenez-vous ? On vous parlait notamment de la maison close de la rue Chabanais ici et de la prostitution au XIXe siècle par là)… Fidèle client de la Fleur Blanche, rue des Moulins, il s’inspire de l’univers de la prostitution pour créer une série d’œuvres dans les années 1890.

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Henri de Toulouse-Lautrec, Au salon de la rue des Moulins, 1894 © Musée Toulouse-Lautrec, Albi. C’est ici l’attente pour la visite médicale des filles qui est représentée…

 

« Là était le nu, le nu en mouvement, non le nu conventionnel d’atelier avec des modèles qui hanchent [… ] Lautrec en avait assez des modèles professionnels ; il lui fallait des êtres encore plus près de la nature, dont les gestes, les attitudes ne fussent point entravés » – Maurice Joyant

 

D’un regard doux et bienveillant -fait rare chez les artistes de l’époque- il représente alors les filles dans leur quotidien. À la façon d’un sociologue, il minimise l’aspect érotique et commercial de leurs pratiques pour illustrer des moments-clé de leurs vies.

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Henri de Toulouse-Lautrec Femme qui tire son bas, 1894 © Musée Toulouse-Lautrec, Albi

Les filles sont ainsi figurées dans l’attente, durant les examens médicaux ou encore dans leur intimité : ce sont les œuvres Femme tirant son bas et Femme vue de dos dans lesquelles il représente une femme en train d’enfiler une paire de bas durant la toilette… Et sans aucun jugement de valeur, Toulouse-Lautrec nous emmène avec lui, entre grandeur et décadence des filles de joie, en plein cœur des méandres de la vie moderne de la Belle-Époque.

L.M

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