Le shochu, un alcool japonais à déguster en 5 sens

Gastronomie

02JUIN. 2021

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Le shochu, un alcool japonais à déguster en 5 sens

02 JUIN . 2021

Écrit par Alvina Ledru-Johansson

Photographies par Alvina Ledru-Johansson

Ouvert à l'exportation depuis 2019, le shochu est encore un alcool ultra confidentiel en dehors des frontières du Japon. Aujourd'hui, la France est le premier pays d'Europe où les bouteilles sont exportées. Alors pour vous préparer au jour où vous serez en tête à tête avec cette eau-de-vie japonaise, nous avons posé nos questions à Thierry Daniel de Liquid Liquid, l'agence spécialisée dans les cocktails. Ce spécialiste et amoureux des spiritueux vous apprend tout ce qu'il faut savoir sur le shochu, à travers les 5 sens. Voyage garanti.

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1. Le shochu par l’ouïe : les deux syllabes magiques

Deux longues syllabes, comme pour laisser en suspens ce mot plein d’histoire, de sens et surtout de saveurs. Le shochu – prononcer « chochu » – est un alcool traditionnel nippon. « Shochu veut dire ‘eau-de-vie’ en japonais, explique Thierry Daniel, fondateur de Liquid Liquid, l’agence spécialisée en culture cocktail et à l’origine de la Paris Cocktail week. Ce n’est pas une catégorie d’alcool comme le whisky ou le vin. C’est en fait comme si on incluait tous les spiritueux. On peut donc traduire ça par ‘eaux-de-vie authentiques japonaises.' » 

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Le shochu peut se faire d’une multitude de façons, notamment en ce qui concerne la matière première. En fonction de l’endroit du pays, celle-ci est différente. C’est que le shochu est fortement ancré géographiquement. Historiquement, là où il y avait une production agricole, il y a toujours eu distillation de shochu avec la matière première locale : « une cinquantaine de variétés différentes, les trois principales étant le riz, la patate douce et l’orge », précise Thierry. Le komeshochu étant l’eau-de-vie de riz, l’imoshochu celle de patate douce et le mugishochu celle d’orge. Il existe aussi du shochu de tomate, de sarrasin, d’agave, de châtaigne…  

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2. Le shochu par le toucher : prendre en main l’histoire du Japon

Avec l’awamori, le shochu est l’eau-de-vie la plus ancienne du Japon, les premières traces écrites remontant à 1550. Ses origines sont doubles. « Les eaux-de-vies asiatiques viennent de deux régions : de Chine et du royaume de Siam. Elles sont arrivées au Japon par les routes du commerce. Une des routes a fait remonter les alcools du royaume de Siam à Taiwan, à Okinawa, puis d’île en île. L’autre de Chine par l’île de Kyūshū. » 

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Si à cette époque ce savoir-faire ne s’exporte pas, c’est que dès 1650 le Japon ferme ses frontières. Pendant plus de deux siècles, il conservera les secrets de fabrication de cet alcool au sein du pays. Un siècle plus tard, la Seconde Guerre mondiale détruira tout l’héritage japonais, faisant disparaître des awamori (grand frère du shochu) vieux de plus de 200 ans. « Il faut vraiment attendre une bonne vingtaine d’années avant que le pays ne puisse se reconstruire, contextualise Thierry. Si on reprend tous les éléments historiques, les fermetures des frontières… on comprend pourquoi cette eau-de-vie est restée locale et surtout l’un des secrets les mieux gardés du Japon. » 

 

 

3. Le shochu par la vue : la transparence comme habit

Le shochu doit être appréhendé comme une eau-de-vie de matière première et non un spiritueux de vieillissement. C’est pourquoi la plupart sont de couleur translucide. « On ne connaît pas vraiment cette culture-là, mis à part en Alsace par exemple avec les eaux-de-vie de fruits, la blanche d’Armagnac, la fine de Calvados…, explique Thierry. Car après la Seconde Guerre mondiale, en France, on va de plus en plus consommer des spiritueux vieillis en fût, ce qui amène la couleur.« 

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Si certains distillateurs japonais procèdent au vieillissement en fût depuis les années 70, le traditionnel shochu est vieilli en cuve émaillée pour la grande majorité ou en jarre en terre cuite. D’où la transparence. D’ailleurs, lorsqu’elles sont colorées, les eaux-de-vie n’ont pas le droit à l’appellation « shochu » mais sont appelées « liqueurs ». « Pour ces liqueurs vieillies en fûts à la couleur jaune paille, doré, jusqu’à l’ambre le plus profond, il y a tout de même une tolérance à l’export dans la dénomination. » 

L’autre point qui fait la typicité du shochu, c’est sa texture, qui est clairement visible. « On le voit dans le verre, au niveau des jambes, c’est très gras. Les eaux-de-vie sont très riches en huile. » Qui apporte une structure très singulière à cet alcool.

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4. Le shochu par l’odorat : la fermentation comme odeur 

Le shochu est un alcool réalisé à partir de koji, une moisissure noble qui peut-être soit à base de la matière première ensuite distillée, soit à base de riz. « Le koji n’a pas vraiment de goût mais c’est ce qui donne de l’intensité à l’eau-de-vie. Et c’est surtout ce qui permet de décomposer les amidons en sucres, qui vont ensuite être transformés en alcool », explique Thierry. Contrairement à un maltage qui ne va pas être fort en sucre, le koji donne un moût beaucoup plus fort en sucre et donc en alcool. 

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Concrètement, comment ça se passe ? Le koji -acheté ou fait artisanalement- est saupoudré sur une matière première auparavant cuite à la vapeur, dans un milieu très humide et chaud (à plus de 40°C). « Cela demande beaucoup de temps. Il faut étaler toute la matière première, la saupoudrer entièrement. On revigore le koji plusieurs fois par jour. Il fait très chaud, c’est assez rude pour le corps. » Pendant 48 heures, on laisse la moisissure se développer pour être ensuite mélangée avec de l’eau et des levures. Le tout sera ensuite laissé à la fermentation pendant une semaine, dans des jarres de 400 à 600 litres.

Dans un autre temps, la matière première (riz, patate douce, orge…) est lavée et cuite à la vapeur. Pour ensuite être intégrée au reste pour entamer une seconde fermentation. On laisse la nature faire son travail pendant deux à trois semaines. A la fin du processus, on se retrouve avec des liquides titrant entre 15 et 18 % d’alcool (contre 5 % pour les whiskies et 10 % pour les rhums en comparaison). 

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Au nez, c’est cette particularité qu’on respire : une profondeur, un velouté, un alcool vivant. « On sent vraiment le côté fermentaire qui vient du koji. Les Occidentaux n’ont vraiment pas l’habitude, on ne connaît pas ces arômes« . 

 

5. Le shochu par le goût : voyager par les arômes

En France, on consomme les spiritueux principalement en digestif et « on the rocks » – ce qu’il est possible de faire avec une eau-de-vie japonaise. Mais il est aussi possible de la boire comme au Japon. « Il y a plus de moments de consommation au Japon, note Thierry, parce qu’ils consomment l’alcool dilué à l’eau ou bien à l’eau gazeuse. Déjà que le shochu est acheté à 25 % d’alcool et non à 40, derrière, il est encore plus dilué pour pouvoir le boire en mangeant et tout au long de la journée.« 

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Dans tous les cas, le secret pour une bonne dégustation est de se mettre dans un état d’ouverture d’esprit et chercher à comprendre la culture qu’on verse dans son verre. Au Japon, on ne recherche pas de complexité aromatique. « On recherche une esthétique, une texture, explique Thierry. C’est vraiment propre au Japon et c’est ce qu’on retrouve également dans leur design, dans leur culture… » 

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On cherche la structure du spiritueux, apportée par le koji. On cherche la vibration apportée par l’eau particulièrement pure au Japon. « Ce qui a été la clef pour nous lors de notre voyage au Japon, ça a été de comprendre qu’il fallait parler en images, en paysage, en formes. Les Japonais comprennent l’architecture de la boisson, les émotions. Et ce dernier point est un sacré point commun entre les Japonais et les Français. On arrive à avoir les mêmes émotions au même moment de dégustation, dit-il avant de conclure : « Le shochu, c’est vraiment un voyage, un moment, un goût japonais.« 

A.L-J


Shochu, en exclusivité chez Julhès à Paris.

Disponible dès septembre dans une cinquantaine de points de vente en France. 

Pour poursuivre le voyage, commandez le guide du Japon liquide : le Liquid road book écrit par Liquid Liquid.

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