Le foie gras, un débat ?,

Manuel de survie pour les fêtes

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25NOV. 2021

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Le foie gras, un débat ?

Manuel de survie pour les fêtes

25 NOVEMBRE . 2021

Écrit par Morgan Malka

Vous avez la chance de ne pas avoir connu les débats houleux autour de l'affaire Dreyfus. Vous ne pouvez ni parler politique, ni parler Covid-19 ? Ne vous inquiétez pas, le sujet ultra-sensible du foie gras est là pour agrémenter vos fêtes de fin d'année en crises de nerfs bien senties mais pas de panique, voici un petit manuel de survie (qui inclut quelques astuces pour bien choisir son foie gras). A défaut de convaincre vos détracteurs, il aura sans doute de quoi vous rassurer et vous conforter dans vos idées. Alors le foie gras est-il vraiment un débat ?

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D’où vient le foie gras ?

Bon à savoir : le foie gras serait né de l’imitation par l’homme d’un acte naturel. L’Égyptien connu pour sa qualité d’innovation aurait observé le gavage naturel des animaux sauvages en vue d’une période migratoire et aurait reproduit ces conditions sur des animaux d’élevage. Une augmentation de 50% du poids initial de l’animal était alors obtenue et en fins gourmets, nos amis de par-delà la mer se seraient laissé séduire.

Depuis, la technique du gavage aurait voyagé avant d’arriver en Gascogne et en Alsace. Le foie gras fut pour nos ancêtres de toujours un produit saisonnier et exceptionnel permettant de limiter sa production à l’artisanat seul. Hélas nous n’en sommes plus là, le foie gras (et ce n’est pas le seul), s’est largement démocratisé, tout le monde en veut sa part et pour contenter la clientèle, il faut faire des compromis.

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Le foie, gavage naturel ou créé par l’homme ?

Le foie d’un canard destiné à la filière gras pèse environ 100 à 120 g. Le chiffre de 70 g apparaît invariablement chez ses détracteurs, un poids qui correspond en réalité au foie du canard colvert, un canard sauvage, beaucoup plus petit et qui n’entre pas dans la filière de gavage mais dont le foie peut atteindre jusqu’à 250 g en période de migration après un gavage parfaitement naturel et indépendant de l’homme. Après sa migration, un effet réversible et sans séquelles s’effectuera en dix jours.

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DR

Chez un passereaux, le Moqueur chat, le poids de son foie seul augmente de 25% et ce point est essentiel car l’un des principaux arguments des « anti » qui ne peuvent nier l’acte de gavage naturel des migrateurs, insiste sur la répartition de la graisse qui se ferait partout, sauf dans le foie de l’animal. Or, chez les passereaux et les anatidés, le foie est le premier concerné par cette augmentation de volume.

Dans le cas de l’élevage, ce sont les canards mâles qui sont sélectionnés, les femelles sont directement envoyées dans la filière viande et portent le nom de canette, elles sont abattues à l’âge de 12 semaines. L’appellation canette a remplacé celle de caneton pour rassurer les consommateurs dans leur hypocrisie habituelle.

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Le canard colvert, un canard sauvage, beaucoup plus petit et qui n’entre pas dans la filière de gavage. On les confond souvent !

Le mâle est gavé pendant 10 à 14 jours dans les filières artisanales et jusqu’à 20 jours chez les industriels. Il est abattu à l’âge de 3 mois et demi, puis le foie devenu gras est vendu cru ou transformé en terrine. Viande et carcasse sont destinés aux habituels magrets, confits, etc… Rappelons que l’appellation magret implique invariablement qu’il s’agisse d’un canard gras.

Alors, consommer du magret et de la canette, mais pas du foie gras ? La canette n’est pas gavée mais sa vie est considérablement réduite par rapport à son espérance naturelle et le magret, morceau de choix très largement consommé, est issu de cette même filière de canard à foie gras.

Durant la période de gavage, le foie peut augmenter jusqu’à 10 fois par rapport à son poids initial et pour obtenir ce résultat économiquement ultra-compétitif, il faut évidemment faire quelques entorses au naturel…

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Le gavage industriel et le gavage artisanal

L’œsophage des anatidés est insensible, c’est ce que confirme Daniel Guéméné, chercheur à l’INRA. Néanmoins, il ne faut pas charrier avec les canards, si l’embucage (acte d’introduire un entonnoir dans le jabot) se fait délicatement dans les filières artisanales, il se fait avec un système pneumatique dans les industries, rendant la tâche pénible aux canards qui développent un comportement d’évitement et d’aversion envers le gaveur. Ils peuvent ainsi refuser de s’alimenter pendant plusieurs jours. Le problème ? Le consommateur se fiche de ce qu’il consomme, or un foie gras doit se choisir sur trois critères : son apparence, son poids et son origine, évidemment.

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Comment choisir un bon foie

D’abord, l’apparence. Le foie doit être brillant, homogène, blanc ou blanc-rosé, tirant parfois vers la noisette-miel ou la noisette-ocre mais toujours avec une dominance de blanc. La variété de maïs utilisée lors du gavage influe sur la couleur du foie. On ne doit pas y trouver d’hématomes, le foie doit être ferme, lisse, le grain fin et l’odeur franche.

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Ensuite, le poids. Pour un foie gras industriel de canard, il peut atteindre 650 g. Et chez une oie de 6 ou 7 kilos sur pied, le foie peut atteindre 800 g. Dans le cas d’un foie artisanal, la balance est située autour de 450 g pour un canard et 600 g pour une oie. Mais dans un élevage familial et pour bénéficier de l’appellation foie gras, 400 g suffisent pour une oie et seulement 300 g pour un canard (rappelez-vous du poids du canard sauvage en période de migration). Tous les tests de consommateurs organisés en aveugle révèlent que les foies de petites tailles et de productions artisanales sont favorisés aux détriment des productions industrielles à qui il est reproché de perdre trop de matière en cuisant et d’avoir un goût parfois désagréable.

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Enfin l’origine. La production mondiale de foie gras est originaire aux 3/4 de France et localisée dans des régions spécifiques. Ce n’est pas pour rien qu’il fait partie de notre gastronomie depuis toujours… Une part des éleveurs destinent leurs foies aux grandes filières industrielles régionales, pour ceux qui ne peuvent satisfaire la demande croissante de ces grands groupes, ils se contentent de vendre directement à la ferme.

Ces différences de couleurs et de poids sont la carte d’identité du canard à l’origine de votre repas : plus le foie sera lourd, plus il aura été nécessaire de gaver l’animal. Si en plus ce produit est bon marché c’est qu’il aura forcément fallu forcer rudement la nature. A l’inverse, un foie d’une dimension raisonnable, produit artisanalement, implique que l’éleveur a pris du temps pour gaver son canard. Ce temps va se répercuter sur la facture il est vrai, mais vous aurez un produit de qualité.

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Le foie gras, un problème économique plus qu’éthique

Avec la guerre d’informations et la globalisation de la pensée dirigée depuis les États-Unis, le consommateur français est devenu son propre fossoyeur. Pour lui, le foie gras est un objet de controverse et il en vient même à éprouver une sorte de gêne avant d’en acheter, justifiant son acte au nom de la tradition et de l’esprit des fêtes.

Après que le conseil municipal de la ville de New York ait lancé son interdit en 2019 (il prendra effet en 2022), d’autres lui ont emboîté le pas. Interdisant au choix, la vente ou l’acte de gavage des canards. Pourtant ces même pays (Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Danemark, Finlande, Suède, Irlande, Royaume-Uni, Italie, Suisse, Israël) qui qualifient le gavage des canards comme étant un acte barbare et inhumain ne s’indignent pas du gavage systématique des autres volailles pour l’augmentation de leur volume, ni de la production intensive de viande en bâtiments dont ils ont fait une spécialité.

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Pensiez-vous réellement que la dinde de thanksgiving était naturellement obèse pour mieux ressembler à ceux qui la consomment ?

 

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Là encore ce sont les producteurs artisanaux qui sont ciblés car ne nous inquiétons pas pour les industriels, qu’on interdise ou non le foie gras, ils survivront en vous vendant du faux-gras et du foie gras artificiel qu’ils produisent déjà.

Les consommateurs sont trompés et les sondages vont dans le sens des anti comme L214, financé par un fond d’aide OPP de Dustin Moskovitz, ex-cofondateur de Facebook et actionnaire dans une startup qui produit de la viande artificielle. Les politiques vont invariablement dans le sens des sondages et donnent dans le clientélisme en marquant des interdits pour plaire à leur électorat écologiste. Les vidéos utilisées par les associations diffusent des images scandaleuses d’élevages industriels et refusent toute discussion par rapport aux élevages artisanaux. Avec ces images et les nombreuses actions choc menées à l’approche des fêtes, les consommateurs se détournent du foie gras et les premières victimes en sont les productions artisanales et les emplois qu’ils génèrent, parfois les seuls disponibles dans certaines régions. Le propre du militant, c’est de biaiser le débat en interdisant toute forme de demi-mesure. Mais le foie gras est un sujet pour lequel cette demi-mesure est essentielle.

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Une question d’éthique ?

A la fin, l’animal meurt. C’est la même chose pour tout animal que nous mangeons, si certains jugent ne pas devoir ou pouvoir en manger, grand bien leur fasse, mais il reste les autres, ceux qui n’accaparent pas le débat, ceux qu’on appelle les omnivores, qui sont 99,99% de la population. Ceux dont les revenus se sont améliorés en un siècle et qui veulent offrir à leurs proches une tranche de foie gras une fois dans l’année.

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Pour ceux-là, qui ne sont pas les monstres assoiffés de souffrance animale dépeints par les animalistes que les médias relaient sans cesse, il reste la demi-mesure, celle qui nous fait payer plus cher et manger moins pour un meilleur résultat, à la ferme comme sur nos papilles.

 

Les antis vont vous parler de stéatose hépatique, de problèmes pulmonaires, de difficultés à se déplacer, vont vous montrer des images de canards qui pleurent. Ces images sont celles d’une industrie qu’il faut combattre par le portefeuille. D’autres vont vous dire qu’ils attendent de voir les résultats de nouvelles études, notamment celles sur l’hyperphagie transitoire ou l’augmentation du volume du foie sans acte de gavage, on parle de stéatose spontanée, un produit de l’avenir considéré comme plus éthique. Nous verrons.

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© Dites vanille

En attendant, nous croyons en une alimentation progressive et contrôlée en opposition au gavage intensif. Nous croyons en l’expertise des acteurs de la filière qui vivent aux côtés de leurs canards et qui savent qu’au moment de l’embucage, leurs petites bêtes se précipitent pour se gaver bien volontiers. Ceux-là savent quand s’arrêter et n’ont rien à voir avec les images diffusées en masse sur les réseaux sociaux et qui font le bonheur des industriels qui voient là une nouvelle manière d’écraser les petits.

Ce n’est plus aux produits de voyager mais aux consommateurs. Rendez-vous dans une ferme, discutez avec les éleveurs, allez voir les canards, assistez au gavage et vous comprendrez pourquoi ce geste est reproduit par l’homme depuis l’Antiquité, pas pour cinq secondes de plaisir dans votre bouche, seulement parce qu’il est naturel, ce qu’un laboratoire de viande synthétique ne saura jamais faire.

M.M


La recette de foie gras confit des Renards Gourmets

125 g de foie gras de canard cru
1,25 g de baies de genièvre
1,25 g de bâton de fenouil sec
1,25 g de poivre de Sarawak
1/4 d’écorce de macis
2,5 g de gingembre frais
250 g de gros sel
100 g de sucre
1 cl d’huile de pépins de raisin

Chambrer le lobe de foie gras pendant une vingtaine de minutes. Retirer ses vaisseaux puis lui donner la forme d’un boudin. Réserver pendant une heure au réfrigérateur pour le raffermir. Faire torréfier les épices sauf le gingembre. Mélanger le sucre, le gros sel et les épices, ajouter enfin le gingembre fraîchement râpé. Disposer la moitié de cette préparation dans un bac. Poser le foie gras dessus puis l’emprisonner complètement avec le restant de sel. Réserver pendant une heure au réfrigérateur. Débarrasser le mélange, rincer abondement et délicatement le foie gras puis le faire sécher parfaitement. Disposer dans un sac de cuisson sous-vide en enduisant le foie d’huile de pépins de raisin. Faire le vide puis faire cuire au bain-marie pendant une heure à 60°. Rafraîchir immédiatement dans une glaçante et réserver pendant une nuit au réfrigérateur.


Envie de vous lancer dans quelques spécialités charcutières incluant du foie gras, à Noël ? Retrouvez toutes nos idées par ici.

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