Les expositions de l’été,

Près de Béziers, Nathalie du Pasquier s’expose joyeusement au MRAC

Culture

06MAI. 2022

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Les expositions de l’été

Près de Béziers, Nathalie du Pasquier s’expose joyeusement au MRAC

06 MAI . 2022

Écrit par Johanna Colombatti

Photographies par Aurélien Mole

 Couleur, formes, esprit et humour sont au programme de l’exposition que le MRAC - Musée régional d'art contemporain- de Sérignan, près de Béziers, consacre jusqu’à fin septembre à la plus italienne des artistes françaises : la géniale Nathalie du Pasquier ! Après avoir été présentée au MACRO de Rome l’année dernière, la rétrospective s’inscrit allègrement dans la liste des expositions de l’été à ne pas rater en France. De quoi réjouir les petits comme les grands, avertis ou novices. Préparez vos bagages et filez vers le Sud.

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Native de Bordeaux mais Milanaise d’adoption depuis la fin des années 70, Nathalie du Pasquier est connue pour avoir été membre du Groupe Memphis, mouvement italien de design et d’architecture fondé dans les années 80 par Ettore Sottsass et qui compta parmi ses membres certains des plus célèbres designers du XXe siècle : de Michele De Lucchi à Peter Shire, en passant par Shiro Kuramata, Matteo Thun ou encore George Sowden (qui deviendra l’époux de Nathalie).

De ce mouvement en rupture avec le bon goût et l’académisme, au profit d’un design libre, joyeux, décomplexé et coloré, l’artiste garde l’esprit fantaisiste. Mais pas que. Car si l’estampille « Memphis » l’a longtemps suivie, ce serait se méprendre que de la réduire à cette période-là. Ce nouvel événement qu’est l’exposition monographique de Sérignan entend nous faire redécouvrir l’œuvre protéiforme de Nathalie du Pasquier dans toute son ampleur. C’est réussi.

 

Nathalie du Pasquier, du design textile à la toile

Autodidacte, elle reconnaît humblement que « les rencontres l’ont formée ». Débutant en tant que dessinatrice de tissus, elle réalise beaucoup de projets de design dans les années 80 qui ne verront pas forcément le jour puis le déclic se fait en 1987 quand elle peint ses premiers tableaux.

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Elle met alors le design sur pause pour se consacrer à la peinture qu’elle admire tant. Surtout les classiques, et principalement les Italiens, de Piero della Francesca à Morandi en passant par Giorgio de Chirico. Depuis ? Elle n’a cessé de créer dans son studio milanais, croisant les médiums papier, peinture, carrelage, affiche, carte postale, céramiques… que l’on retrouve dans cette exposition présentée par l’artiste comme « une grande installation de la production de ces trente-cinq dernières années », un éventail de création foisonnant !

 

 

Une exposition estivale conçue comme une rétrospective

Pour Nathalie du Pasquier, chaque exposition permet un nouvel assemblage (« un collage » dit-elle) de ses travaux pour faire émerger une lecture renouvelée des œuvres. Une manière pour l’artiste de remettre les choses en circulation. Ainsi, si l’exposition de Sérignan est la suite de celle de Rome, les visiteurs sont invités à découvrir une mise en scène inédite.

Aucun cartel, pas d’accrochage chronologique, pas de titre ni de date au sein de ces 1200 m2 d’exposition, la plus grande jusqu’alors consacrée au travail de l’artiste. Le visiteur est libre de déambuler à sa guise et d’apprivoiser les œuvres présentées comme bon lui semble. Nathalie du Pasquier a la volonté farouche de déhiérarchiser les médiums : « les peintures deviennent des espèces d’objets avec lesquels on peut construire des choses différentes. J’ai toujours été intéressée par l’aspect sculptural des compositions d’objets. Ici j’ai construit des sculptures avec des détails de tableaux d’objets » nous explique-t-elle.

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… Et comme une œuvre d’art à part entière

La thématique de ses peintures ? Des objets que l’on pourrait trouver dans son atelier. « Quand j’ai commencé à peindre, l’autodidacte que j’étais a eu besoin du modèle pour apprendre à regarder », puis petit à petit sa peinture tend vers une figuration qui « suggère » des objets, et enfin c’est la dissolution du motif avec une œuvre plus abstraite. « Ce qui m’intéresse, c’est de les regarder en détail, de représenter la lumière et les ombres comme je les vois. » Ces toiles sont d’ailleurs ici présentées sur des socles en trompe l’œil sur le mur, ou posée sur des surfaces stylisées (souvent de grands aplats géométriques de couleurs vives), étayant le propos d’une exposition conçue comme Gesamtkunstwerk, autrement dit « une œuvre d’art totale ». Des œuvres sur toile, des œuvres en papier qui habillent les murs du Mrac : « Je suis très intéressée par les modules en papier avec lesquels je construis des monuments bidimensionnels, comme des briques qu’on assemble… » affirme l’artiste.

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« Les tableaux n’ont pas besoin pour être vus, d’être sur un fond blanc et silencieux, ils vivent différemment sur une surface mouvementée ». La scénographie devient une œuvre en soi et tout est sur un même plan-ou presque- : la créativité.

 

 

Assembler et construire, pour un art contemporain accessible 

De construction, il est ici aussi question. L’espace est ponctué d’œuvres en trois dimensions, notamment en céramique: « j’ai travaillé avec la céramique à plusieurs moments. J’ai fait des vases comme font les designers, j’ai modelé des animaux, des cendriers, des petits paysages comme font les enfants et des objets inutiles comme font les artistes ».

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Puis en 2020, c’est la collaboration avec Mutina, éditeur de carreaux : un « rêve de gosse ». On la retrouve à travers un grand cube installé à l’étage, recouvert de petits carreaux – « une maison sans fenêtre » – qui contient tout ce que l’artiste aime. Sorte d’atlas sous forme d’accrochage domestique, composé de cartes postales, photographies, tapisserie et autres objets du quotidien qui inspirent Nathalie du Pasquier par leur contemplation. « Le regard crée des associations qui donnent lieu à des formes ». Le sol de cette « maison » est travaillé de manière à faire écho aux œuvres, à dialoguer avec elles.  L’association, une autre manière de construire.

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De cette idée de construction sont d’ailleurs nées les « cabines » dont certains exemplaires sont présentés au sein de l’espace. Le principe ? Des panneaux qui se montent comme une armoire Ikea sur un petit plancher. « La première, réalisée en 1999, a été crée pour regarder un tableau en l’isolant de son contexte, explique l’artiste. Puis en 2006, les cabines deviennent des dispositifs qui permettent de mettre ensemble des tableaux et des pièces tridimensionnelles, à la fois sur les parois intérieures et extérieures » Les prémices de l’idée de l’exposition globale, d’œuvre d’art totale, chère à l’artiste. La plupart de ces cabines ont vocation à être recyclées d’une exposition à l’autre, tandis que d’autres, peintes à l’huile, acquièrent un statut plus définitif : « comme un gros tableau en trois dimensions ». Des dispositifs simples, ingénieux, qui tissent le discours de l’artiste vers une création accessible à tous.

« L’art contemporain est devenu tellement cher que j’aime l’idée de pouvoir faire des choses plus démocratiques : les papiers, les carreaux, les briques permettent de jouir de l’art avec peu de moyens ». Et on en profite pleinement, l’artiste ayant même tenu à rédiger un petit guide illustré, accompagné de croquis, anecdotes, légendes, offert aux visiteurs pour présenter l’exposition. De quoi être définitivement séduit !

J.C


 « Campo di Marte » Nathalie du Pasquier
Du 16 avril au 25 septembre 2022

Au MRAC, Musée régional d’art contemporain Occitanie / Pyrénées-Méditerranée

146 avenue de la plage

Sérignan (34)

Entrée 5€

Commissariat Luca Lo Pinto, exposition conçue en co-production avec le MACRO (Museum di Arte contemporanea di Roma) à Rome 

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