Comprendre les variétés de blé,

Le choix de la diversité, une philosophie

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02AOÛT. 2022

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Comprendre les variétés de blé

Le choix de la diversité, une philosophie

02 AOûT . 2022

Écrit par Valentine Sled

Photographies par Marimba production

On nous a appris à distinguer le blé des autres céréales, mais il semblerait qu’on ait fait l’impasse sur sa multitude de variétés ! L’agriculture moderne a fait le choix de l’uniformisation du blé pour obtenir de meilleurs rendements. Outre le fait d’être un sacré gagne-pain pour certains, elle a ses défauts : le monovariétal ne résiste pas aux chocs climatiques et aux maladies. Allons droit au but, l’agriculture intensive a en réalité bien d’autres travers, dont on parle peut-être trop peu. En quête de sens autour de ce débat, Les Hardis sont allés rencontrer Henri de Pazzis, agriculteur engagé, pour recueillir son témoignage, comprendre sa vision du blé, et sa philosophie de vie. Tout comprendre des variétés de blé, c’est parti !

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Henri de Pazzis est agriculteur bio depuis plus de 40 ans, et cultive des variétés anciennes de blé depuis 2015. Oui, mais ce n’est pas tout. Henri est aussi philosophe. Agriculteur engagé et défenseur de la nature, sa vision du monde l’a convaincu de se tourner vers la biodiversité. Si la notion est abstraite pour certains, il a pris le temps de nous expliquer sa démarche avec une pédagogie digne d’un grand professeur. Rencontre. 

 

Les variétés anciennes de blé

Au beau milieu des Alpilles, entre les montagnes, s’étendent à perte de vue les jolis champs de blé de Maillane, où s’est installé Henri de Pazzis, il y a 7 ans. « J’ai fait le choix de travailler les variétés anciennes de blé ». Sur 45 hectares, 5 variétés différentes comme le Blé Meunier d’Apt ou le Rouge de Bordeaux… Toutes proviennent d’un échange entre réseaux de paysans, qui perdure depuis plus de 12 milliers d’années. Cette sélection s’adapte à l’évolution des terres, des climats, et ont même parfois été modifiées par l’homme selon ses besoins. 

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Au sein même de ces variétés, existe une multitude de sous-variétés appelées « populations », qui varient en fonction du terroir où elles se sont développées. On observe parfois que des semences échangées dans une autre région y prospèrent davantage. « C’est là tout l’intérêt de cette sélection, c’est à nous d’apprendre à connaître notre terroir pour décider au mieux pour lui ».

 

Le choix de la diversité

Vers la fin du XXe siècle, la modernisation de l’agriculture a peu à peu concurrencé les petits paysans, au point de les éradiquer totalement. La culture végétale, dont celle du blé a été uniformisée, pour faciliter son entretien et sa récolte. L’apparition de l’agriculture intensive a donc été un drame social, biologique, mais aussi écologique, avec le développement des engrais chimiques et des pesticides. 

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De son côté, Henri a choisi de cultiver plusieurs variétés de blé, en opposition au monovariétal pratiqué par l’agriculture intensive. « La société moderne pense que c’est en mettant tous les œufs dans le même panier que l’on va obtenir le meilleur rendement, alors que sans diversité, rien ne résiste au moindre choc, qu’il soit climatique ou sanitaire ». Le monovariétal rend la lutte contre les intempéries ou les maladies très difficile sans un arsenal chimique titanesque.

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En faisant cohabiter des variétés différentes sur un même terrain, les végétaux développent une complémentarité naturelle en palliant les faiblesses de certains avec la résistance des autres, et deviennent ainsi beaucoup plus robustes que du blé uniformisé. Si cette pratique s’inscrit dans une logique de préservation de la flore, elle répond aussi à un besoin de rentabilité, puisqu’une part de la récolte reste ainsi assurée. 

Tout compte fait, l’agriculture intensive a-t-elle choisi la bonne stratégie ?

 

Vivre en harmonie avec la nature 

Sur l’exploitation d’Henri, pas seulement du blé, mais aussi de la luzerne et du sorgho fourrager, qui se cultivent en rotation avec le blé pour régénérer les sols et les rendre plus fertiles. « On est devant une forme d’intelligence extrêmement développée dans une simplicité apparente ». L’enjeux est de préserver la diversité des insectes et des oiseaux autour de la culture. Il a pour projet de planter des arbres et des haies en suivant le principe de l’agroforesterie, pour développer le potentiel mellifère de son terrain et favoriser ainsi une meilleure pollinisation des plantes, donc une meilleure reproduction végétale.

La biodiversité, c’est aussi laisser la faune et la flore s’exprimer. En se promenant dans le champ de Saissette de Provence, d’autres végétaux ont poussé en se glissant entre deux épis de blé. « Il y a des mauvaises herbes, la plus abondante étant la moutarde sauvage. On ne peut pas lutter contre cette plante de manière frontale car elle est invasive. En revanche, nous apprenons à l’apprivoiser, car elle a un rôle important ».

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Effectivement, cette moutarde sauvage, qui a l’apparence d’une vieille branche légèrement fatiguée, a un intérêt crucial pour ses voisins épis. Elle leur sert de colonne vertébrale, et les protège des aléas naturels, « le climat de Provence étant très extrême, et sujet à de grandes sécheresses, de grands froids, et à de fortes intempéries ». D’ailleurs, Henri compte même tirer plus de bénéfice de cette plante, finalement pas si méchante. Les graines récoltées au moment de la moisson du blé serviront à fabriquer prochainement de la moutarde au Moulin du Mas de l’Aube. 

 

Une farine atypique

L’idée originelle, c’était de retrouver l’esprit et le vrai goût du pain d’antan. La farine obtenue par le Moulin du Mas de l’Aube est atypique. À quelques kilomètres de là, les boulangers de Baumanière, dans les cuisines de l’Oustau, éprouvent quelques difficultés à dompter cette farine à la force si particulière.

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Si elle fait le bonheur des professionnels, elle éveille aussi l’intérêt des particuliers, qui prennent du plaisir à explorer ses vertus par leurs propres moyens. Pour la rendre plus accessible, le Moulin a ouvert son propre fournil il y a un an, et propose un pain aux qualités nutritives incomparables. 

 

Henri, paysan philosophe en quête de sens

« J’ai envie d’habiter la terre et de respecter ses règles qu’on a violées pendant 50 ans ». Selon Henri, la seule issue pour l’agriculture française, est de faire un pas en arrière pour restaurer les pratiques d’antan, beaucoup plus respectueuses de l’environnement.

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« L’avenir de l’espèce humaine est purement conditionné à notre capacité à habiter de nouveau en intelligence avec la terre et la nature. » Propos cocasses ? Certes. Pourtant, cette réconciliation avec la nature est probablement la condition à notre survie. Pour que le temps reste bon et que le ciel reste bleu, à bon entendeur…

 

V.S


Moulin du Mas de l’Aube 
Route du mas de Bérard, chemin du Mas du Petit Saint-Jean 13910 Maillane
 
Farine du Moulin du Mas de l’Aube en vente chez Alpilles Bio 
23 Rue Albin Gilles, ZAC de la Gare, 13210 Saint-Rémy-de-Provence
 
Pains confectionnés à base de la farine du Moulin du Mas de l’Aube en vente chez Terre et Blé
24 avenue Albin Gilles 13210 Saint-Rémy-de-Provence
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