Les plus beaux souvenirs de dégustation de… Hugues Forget

Gastronomie

14SEPT. 2022

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Les plus beaux souvenirs de dégustation de… Hugues Forget

14 SEPTEMBRE . 2022

Écrit par Nicolas Beaumeniere

Quand on rencontre Hugues Forget, le Directeur de la cave de la Grande Epicerie, à Paris, une idée vient fissa à l’esprit : cet homme fait partie des quelques veinards qui ont tiré le bon numéro à la grande loterie des jobs de rêve. Cet ancien de chez Philippe Faure-Brac, meilleur sommelier du monde en 1992, règne désormais sur un stock de plus de 200 000 bouteilles… Il y en a pour tous les goûts et bien sûr, toutes les bourses. Cette année, pour la Foire aux vins (du 7 septembre au 5 octobre à la Grande Epicerie et sur son site Internet) près de 200 références, 145 vins rouges et 43 vins blancs, dont 12% de nouveautés sont proposées. Hugues arpente les vignobles, toujours à l’affût de nouvelles pépites. Il a aussi quelques fûts bien remplis de souvenirs de dégustation, de rencontres et d’émotions à partager. Si cette interview vous donne soif, hé bien c’est normal.

© Virgile Guinard

Quels sont vos coups de cœurs récents ?

Je suis, depuis le début, Romain Guiberteau, un vigneron de Saumur qui sort du lot car il ne cherche pas à grossir mais à faire toujours mieux. Il trouve de jeunes vignerons à recommander pour palier son manque de vins. C’est le cas d’Isabelle Suire, un vrai coup de cœur. Ils ont tous les deux un Saumur blanc dans la Foire aux vins de la Grande Epicerie. 

© DR

Et vos découvertes ? 

Il y en a peu cette année car il y a un problème de récolte en 2021. Mais je citerais le Domaine Jolivet que j’ai découvert lors de l’évènement Découverte en vallée du Rhône, avant que La Revue du vin de France ne le mette en avant. Il fait notamment un très bon Vin De France, qui ressemble à un Saint-Joseph… 

Ensuite, je tiens à parler des Coteaux du Giennois, où l’on trouve de belles choses. Il est désormais difficile de trouver un Sancerre à un prix intéressant. Enfin, il est temps qu’on parle du renouveau de Bordeaux, il n’y a pas que les grands crus classés ! Château Haut-Bergey à Pessac-Leognan, ou Château Tire Pé, sur les coteaux de Saint Macaire, sont très intéressants. 

Passons à vos grands souvenirs de dégustations. Lequel vous vient spontanément à l’esprit ? 

 

J’ai eu la chance de participer à une dégustation de Château Latour, un peu particulière. Nous avions six verres, par série de deux. Frédéric Engerer nous dit : « si vous trouvez un millésime, sachez que les suivants ont 10 ans de plus ou de moins. » Nous avions les millésimes 1961, 1971, 1981, 1991, 2001 et 1949 car il n’aime pas le 1951. Les Bordeaux sont les meilleurs dans le temps mais qui a encore la patience et la culture d’attendre plusieurs décennies ? 

D’autres grands souvenirs à Bordeaux ? 

Oui, dans la salle à manger de Château Las Cases : c’est là que j’ai bu pour la première fois le millésime de mon année de naissance, 1968. Il a une réputation catastrophique. Eh bien, ce millésime était moins pire que je pensais. Surtout, la bouteille n’avait jamais bougé de la cave ! 

Quel est le plus vieux millésime que vous ayez bu ? 

Sans doute un Château d’Yquem 1856. Quand je travaillais dans la restauration, un client avait reconditionné plusieurs bouteilles et il était venu avec une demie bouteille. La couleur était marron, chocolat… Aromatiquement, on était sur du caramel, des champignons, des épices… La magie d’un vin qui traverse le temps, c’est aussi de se replonger dans l’histoire de cette époque. 

C’est également possible avec les champagnes… 

Oui, je me souviens avoir dégusté une bouteille de Veuve Clicquot 1906 car la maison célébrait le centenaire de la naissance d’un de ses anciens chefs de cave. La bouteille n’avait jamais bougé des crayères. Le champagne était orangé, avec une petite effervescence au service, le chardonnay avait pris le dessus et cela donnait un grand Bourgogne.

Et si on part du côté de la Bourgogne justement ? 

Ce qui m’intéresse c’est le renouveau, je pense aux domaines de Cécile Tremblay ou de Louis-Michel de Liger dont j’ai les premiers millésimes. J’ai eu la chance d’avoir été là au début. Ces vins étaient déjà bluffant au début et ils montent encore en puissance. J’ai encore vu Cécile au mois de juillet, on a ouvert un Vosne sur un plateau de fromages comme ça, sur le pouce. Ce genre de moment est magique. Je citerais aussi le Domaine Boisson-Vadot, Bernard, le père, m’a reçu en 2006, à la bourguignonne : une grosse barbe, des chaussures bateau sans chaussette, un accent à couper au couteau… 

C’était le troisième millésime du fils, Pierre. J’ai misé sur lui et depuis j’ai une allocation. Il y a aussi Marjorie Gallet, du Roc des Anges dans le Roussillon, que j’ai découvert lors du salon Vinisud. J’ai dégusté la cuvée 1903, des carignans, et j’ai demandé : « comment on peut en acheter ? « Elle m’a répondu : «  on ne peut pas, c’est pas prêt ! ».

 

Et en Alsace ou dans le Loire ? 

L’Alsace c’est difficile, selon si on aime les rieslings pétrolés ou si on considère qu’il s’agit d’un défaut. Mais on va commencer à en parler pour les rouges et les blancs secs. Dans la Loire, j’ai bu des choses extraordinaires. J’ai en tête un moelleux Haut-Lieu 1947 du Domaine Huet ! Les vieux chenins sont extraordinaires. J’ai également dégusté un pétillant 1983 récemment dégorgé… 

Quels genres de quilles ouvrez-vous avec des copains ? 

J’ai toujours du champagne à la maison et je n’ai pas peur d’en sortir. Mais hier soir avec des copains qui sont passés à l’improviste, j’ai ouvert un chardonnay très sympa de Sylvain Morey, La Bastide du Claux dans le Luberon. C’est un vigneron bourguignon qui s’est échappé dans le Sud, au départ parce que son père gardait la propriété. Il a amené le travail bourguignon dans le Luberon. Cela fait de supers blancs. Il y en a aussi en Provence. 

 

Vous souvenez-vous de votre première émotion liée au vin ? 

Le vin est pour moi une longue histoire. Mon grand-père était distilleur pour les caves Magloire (le calvados : ndlr), c’est lui qui les a réouvert après la guerre. Je l’ai toujours vu distiller. Pour le vin, il apportait toujours une bouteille avec le prix écrit sur l’étiquette et la raison pour laquelle il l’avait achetée. Je me souviens que mon père, mon oncle et ma tante étaient souvent contents en découvrant la bouteille.

Plus tard, j’ai fait ma première dégustation à l’Hôtel Le Cheval Blanc à Honfleur. Ce jour-là, j’ai découvert les arômes de fourrure et le côté animal du vin. Ensuite, quand je travaillais avec Philippe Faure-Brac, il avait 40 bouteilles ouvertes tous les jours au restaurant, on faisait des sélections pour Air France et Concorde. Que des grands crus ! 

 

Vous reste-t-il une quête ? 

Je partirais vers les bouteilles mythiques de Bordeaux. Un grand cru, sur un grand millésime… Un Pétrus 1947, par exemple. J’aimerais vraiment vivre ce moment. Pourquoi pas un vieux Porto aussi, un vintage de chez Ramos Pinto. J’ai acquis la culture du vieux vin auprès de Philippe Faure-Brac qui organisait le repas du millénaire chez Lucas Carton. Récemment, on partageait des magnums avec des amis. Ils ont apporté des 2019, je leur ai dit vous êtes fous ! J’avais pris un magnum de condrieu qui avait douze ans : les Chaillées de l’enfer du Domaine Georges Vernay.   

Pour terminer, sur quels pays étrangers miseriez-vous dans les décennies à venir ? 

J’allais dire le Chili mais le problème de réchauffement climatique existe aussi là-bas. J’ai découvert un domaine du Luxembourg, récemment qui fait du blanc et du rouge et là, clairement il profite du réchauffement. Sinon, l’île de Groix où on a replanté des vignes récemment, mais pour le moment il y fait encore très froid (rires). 

 

Propos recueillis par Nicolas Beaumenière 

 


La Grande Epicerie Rive Droite
38, rue de Sèvres, 75007 Paris et 80, rue de Passy, 75016 Paris.
Tél. : 01 44 39 81 00

 

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