Diane Leeds, son chapeau et son couteau, Outstanding in the field

Cuisine

17NOV. 2022

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Diane Leeds, son chapeau et son couteau, Outstanding in the field

17 NOVEMBRE . 2022

Écrit par Stéphane Méjanès

Depuis 2013, Diane Leeds parcourt le monde pour s’attabler là où il n’y pas de restaurant. Elle est la plus fidèle cliente de l’organisation américaine Outstanding in the Field, qui dresse le couvert là où la fourchette de l’homme n’a pas mis la dent. Portrait.

 

 

Elle s’est levée pour prendre la pose, corps triomphant, sourire éclatant. D’une main, elle maintient sur sa tête un impressionnant chapeau bleu à larges bords ondulants, menaçant de s’envoler sous l’effet de la brise vespérale soufflant en ce samedi d’été sur un coteau bourguignon.

Le photographe est perché en équilibre instable sur une chaise, afin d’embrasser l’ensemble de la centaine de bienheureux convives installés derrière elle, de part et d’autre d’une interminable table d’hôtes dressée au milieu d’un chemin séparant deux parcelles de vignes. Elle, c’est Diane Leeds, nom d’héroïne de série anglaise mais « rare native Californian », née et élevée à Sacramento, femme d’affaire et gastronome voyageuse.

Le vignoble, c’était celui du Domaine Lebreuil, propriété familiale depuis 84 ans, administré aujourd’hui par Jean-Baptiste Lebreuil, en biodynamie depuis plus 20 ans. Drôle d’endroit pour une rencontre mais c’est exactement le propos d’Outstanding in the Field (OITF, littéralement : « exceptionnel au champ »).

Fondé en 1999 par Jim Denevan, le concept est simple : dresser le couvert en plein air pour une grande tablée dans un site merveilleux, vierge de restaurant, un champ ou un vignoble, mais aussi une prairie, une plage, un port de pêche, et même les rues d’un village, le tout en collaboration étroite et engagée avec les producteurs et les chefs locaux.

 

LA VISION D’UNE GRANDE TABLE

En près de dix ans, Diane Leeds a participé à plus de 300 dîners labellisés OITF, elle en est devenue la mascotte. La révélation est arrivée pour elle au tournant des années 2010, quelques minutes avant un dîner de travail avec 40 clients, l’un des nombreux rendez-vous d’une existence trépidante de « workaholic » dont elle commençait à entrevoir l’inanité.

« J’étais dans ma chambre d’hôtel et je feuilletais une revue posée là, se souvient-elle. Soudain, je suis tombée sur la photo d’une merveilleuse longue table dans un champ, recouverte d’une nappe blanche éclatante sous le soleil. Il n’y avait personne, juste cette table. Cela a provoqué en moi une réaction viscérale qui m’a cueillie. J’ai éclaté en sanglots sans pouvoir m’arrêter. Cette vision reflétait exactement la vie dont j’avais envie et besoin désormais. C’était synonyme de liberté. »

L’image avait simplement fait remonter des souvenirs enfouis. « Je me suis clairement revue alors que je n’avais que quelques mois, assure t-elle. Ma mère me promenait en poussette dans notre jardin en fin de journée. Je me suis rappelée les reflets d’or du soleil frappant les tiges vertes des plantes, l’immense plant de tomate sur lequel courait un gros ver de terre que ma mère m’a empêché de toucher in extremis. Son potager foisonnait de bettes, d’aubergines, de tomates et de courgettes. Ce sont toujours mes légumes préférés. »

 

Il a fallu une année sabbatique à Diane avant de se décider à aller vérifier que son bonheur était vraiment dans le pré. Chose faite en 2013 pour son premier dîner Outstanding in the Field, à Pie Ranch, ferme durable à Pescadero, en Californie.

Une épiphanie. « Je connaissais à peine les gens qui m’y ont emmenée, je ne savais pas à quoi m’attendre, sourit-elle. Je me souviens de chaque instant, même de ma première bouchée : du fromage de tête servi avec une sorte de bisque au topinambour. Ça se passait dans une grange, pas en plein air cette fois, mais, après le dîner, nous avons gravi une colline pour aller cueillir des champignons.

Le hasard a voulu que ma voisine de table fut Connie Green, cueilleuse légendaire, autrice de « The Wild Table » (recueil de recettes saisonnières à base de cueillette sauvage, ndlr). J’ai su à cet instant que mes plans pour l’avenir seraient définitivement chamboulés. »

 

DANS LES VIGNES BOURGUIGNONNES

Le soir où nous avons rencontré Diane, elle avait donc traversé l’Atlantique pour s’attabler en Bourgogne, par une chaude soirée estivale.

Elle y a retrouvé tout ce qu’elle aime, un site savamment choisi mais un peu caché, accessible après quelques lacets sur des chemins de campagne, la sobre élégance des arts de la table (les convives peuvent apporter leur assiette), le sentiment que le temps se suspend, pour le rituel le plus accessible et le mieux partagé par tous : manger ensemble.

Elle a surtout apprécié la cuisine de Christophe Ledru, chef du restaurant voisin, L’Ouvrée, à Savigny-lès-Beaune. Celui qui avait l’honneur d’officier dans la cuisine de campagne installée là pour l’occasion, avait joué la carte du local, comme il se doit, avec quelques-uns de ses fournisseurs attitrés, dont le Potager des Ducs, ferme maraîchère urbaine aux portes de Dijon, mais aussi l’incontournable Maison Fallot et sa moutarde de Dijon (bien que l’entreprise soit basée à Beaune), ou la Ferme de Clavisy pour ses agneaux bichonnés par Guillaume Verdin.

Le tout pour un menu, simple et efficace, bourguignon et fier de l’être : œuf parfait, épinard et écrevisses, matelote de sandre façon meurette et crémeux d’époisses, entre autres. En hôte prévenant, Jean-Baptiste Lebreuil avait sorti les grosses quilles de derrière les foudres, dont un divin aloxe-corton Les Boutières 2015 servi en jéroboam. Diane était aux anges.

 

MANGER EST UNE FÊTE

« Participer à ces dîners satisfait mes deux passions, manger et voyager », sourit Diane. Après la Bourgogne, et avant la fin de l’année, l’insatiable Diane, célibataire sans enfant, a participé à une vingtaine d’autres banquets organisés par Outstanding in the Field. Partout, on n’a pas pu la rater, sorte de mascotte soignant ses tenues jusque dans le moindre détail.

« On me parle souvent de mes chapeaux, admet-elle. Avant de se marier, ma mère suivait des cours de stylisme, j’ai toujours été sa muse. Dès l’adolescence, je ne m’habillais pas comme les autres. Je me sens à l’aise avec mon corps et c’est une façon naturel de m’exprimer. J’ai commencé à collectionner les chapeaux à l’université, j’en ai aujourd’hui plus de 500. » Avec Diane, sous son couvre-chef comme un chapiteau, manger redevient une fête, et ça fait un bien fou.


Infos et réservation : www.outstandinginthefield.com

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