La grouse : Ce gibier à plumes venu d’Ecosse dont les Français raffolent

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11DÉC. 2023

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La grouse : Ce gibier à plumes venu d’Ecosse dont les Français raffolent

11 DéCEMBRE . 2023

Écrit par Morgan Malka

S’il est bien deux choses que nous avons en commun avec nos amis écossais, c’est une certaine animosité envers les Anglais, on se souvient de l’Auld Alliance entre nos deux royaumes, établie en 1165 et toujours en activité aujourd’hui, et un goût pour la grouse, petit gibier à plumes endémique dans les bruyères d’Ecosse. Si ces dernières années, les chefs parisiens s’arrachent les grouses disponibles au marché de Rungis, l’intérêt qu’on lui porte remonte déjà au XIXe siècle et les gourmets d’aujourd’hui qui se pressent aux meilleures tables ne sont pas de la dernière pluie.

La grouse est un lagopède présent en Ecosse, dans une partie de l’Angleterre et au Canada mais pas en France. Les nombreuses raisons qui ont rendu le gibier plus rare de notre côté de la Manche ont renforcé chez nous, un goût pour des saveurs authentiquement sauvages. Il faut dire que des cousins immédiats de la grouse tels que le coq de bruyère et la gélinotte, autrefois gibiers de rois, ont presque entièrement disparu ici en raison de l’anéantissement des bocages, des cultures intensives et de l’exploitation massive des forêts.

De plus, la grouse se chasse dès le 12 août, le jour du « Glorious Twelve » ce qui en fait un gibier à plume précoce, disponible bien avant les premières bécasses et l’arrivée des migrateurs. De quoi se mettre en appétit à l’aube de la saison.

 

Un terroir avant tout.

La saveur de la grouse est intimement liée au territoire sur lequel elle évolue, à une époque où le goût de terroir fait parfois défaut, cette oiseau, porte tout au contraire, la saveur de son environnement. On lui attribue un parfum de serpolet, la grouse se gave de jeunes pousses de bruyères, d’oseille sauvage, de baies de genévrier, d’airelles ou encore de mûres. Elle vit dans des tourbières et n’est pas sans rappeler la boisson locale, le fameux whisky, régulièrement utilisé d’ailleurs par les cuisiniers pour la parfumer davantage.

© Bruno Liljefors

Totalement sauvage, il est impossible d’en faire l’élevage même si les Ecossais s’emploient depuis longtemps à favoriser le développement des populations de grouse, notamment en brûlant 400 à 500m² de bruyère afin de privilégier l’apparition de jeunes pousses qui pourront nourrir les petits. Avec une abondance de nourriture, les portées sont plus importantes et la petite grouse deviendra grande et délicieuse.

 

De la bruyère à l’assiette.

C’est d’ailleurs assez jeune qu’elle se consomme, dès la fin août et c’est simplement rôtie qu’elle est la meilleure. En approchant de l’hiver, son fumet sera renforcé, son amertume plus présente et il faudra au cuisinier quelques ruses pour l’accommoder, notamment en salmis, en tourtes ou en pâtés.

La grouse est citée dans de très nombreux manuels de cuisine du XIXe siècle comme une curiosité, il faut dire que déjà, chasseurs du monde entier, riches industriels et aristocrates se rendaient en Ecosse à la mi-août afin d’en tirer quelques unes. Aujourd’hui encore, on fait payer à ces chasseurs une taxe de 50 livres par oiseau, l’équivalent d’une soixantaine d’euros. En France on la cuisinait autrefois comme la gélinotte, à la crème, farcie ou bardée et rôtie.

© British School

Aujourd’hui on peut s’en régaler en se rendant à la belle table du Taillevent, le chef deux étoiles Giuliano Sperandio raffole de ce gibier et saura vous surprendre. Il élimine tout ce qui peut rendre ce petit gibier amer et le fait cuire dans du beurre mousseux. La grouse est accompagnée de trompettes-de-la-mort, de rösti de pommes de terre au lard de Colonnata et d’anguille fumée et d’une sauce à base de whisky tourbé, un délice !

Dans un régistre plus classique, on la déguste également au Repaire de Cartouche chez Rodolphe Paquin emballé dans une feuille de chou. Pour les cuisiniers amateurs, on en croise parfois sur les marchés parisiens et boucheries de luxe, facile à reconnaître son plumage est barré, roux foncé et brun. La grouse coûte en moyenne une vingtaine d’euros.

 

Du point de vue éthique.

Les associations animalistes tirent la sonnette d’alarme concernant la chasse à la grouse, Driven Grouse Shooting Ban se démène et l’association Wild Justice fait depuis longtemps la demande pour que les battues à la grouse soient supprimées en Angleterre.

Récemment, une commission à fait la demande au scientifique indépendant James Crabbe et à son équipe d’enquêter sur le prélèvement de la grouse. Ses conclusions sont sans appel : La chasse est importante pour le développement durable tant sur la question économique, qu’environnementale ou sociétale.

Sur le point concernant les émissions de Co2 lors des incendies des bruyères, il précise qu’ils permettent une meilleure santé de l’écosystème avec le développement de plus de variétés et de jeunes pousses qui sans ça seraient submergées par des espèces plus invasives.

Il est donc temps de vous offrir des sensations fortes à table en goûtant à ce petit gibier succulent, rappel de ce que fut autrefois le goût sauvage d’une nature intacte.


Le Taillevent,
15 rue Lamennais, 75008 Paris.

Le Repaire de Cartouche,
99 rue Amelot, 75011 Paris.

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