Gastronomie
Visite de la distillerie de Calvados Christian Drouin à Pont L’Evêque
25 SEPTEMBRE . 2025
Le calvados a traversé les siècles et les modes, voire les interdits à certaines périodes. Depuis quelques années, on assiste à un véritable renouveau de cet Apple brandy qui, à l’international et sur les plus belles tables, fait briller le savoir-faire normand. Entretien avec Guillaume Drouin, troisième génération des Calvados Christian Drouin, pour mieux comprendre le pouvoir des pommes qui agitent tant la Normandie.
Le calvados Christian Drouin c’est d’abord une histoire familiale ?
Guillaume Drouin : Dans les années 60, mon grand-père s’est acheté une ferme à Gonneville-sur-Honfleur. Une ferme plantée de pommiers, comme beaucoup dans la région. Il était assez maniaque et, bien les ramasser lui coûtait plus cher que ce qu’il pouvait les vendre, alors rapidement, l’idée est venue de les transformer en Calvados. Mon grand-père est allé voir Pierre Pivet, un distillateur ambulant surnommé le Mozart de l’alambic. Ça a démarré comme ça.
Domaine d’exploitation du Calvados © Christian Drouin
Vos premiers calvados furent distillés avec un alambic ambulant ?
Oui, Pierre Pivet parcourait la Normandie pour distiller le cidre des fermiers qui n’avaient pas leur propre alambic. En 1946, à la fin de la guerre, il avait récupéré le châssis d’un canon de l’armée américaine sur la plage. C’est un homme extrêmement sage (Guillaume Drouin sourit) d’avoir transformé un canon en alambic. On a démarré avec, ensuite on l’a racheté et on s’en est servi jusqu’en 2016. C’est maintenant une pièce de musée et aussi notre mascotte. On a fait beaucoup de très bons calvados avec.
Comment a évolué votre production ?
Mon père et moi avons eu la chance que mon grand-père distillait avec soin, choisissait de jolis fûts, mais n’a jamais trouvé le temps de vendre une bouteille ou quasiment pas. Au bout de 20 ans, on a eu un très joli stock et c’est là que mon père s’est dit qu’il était temps d’en faire quelque chose. Au début des années 80, le calvados finissait quand même assez souvent au fond d’une tasse de café et c’était très régional. Mon père connaissait la vraie personnalité de ce spiritueux incroyable aux cinq siècles d’histoire et il voulait l’amener encore plus loin. Comme dans les restaurants gastronomiques…
Et aussi à l’export ?
On a amené le Calvados là où il n’était pas connu. À l’étranger, on dit “apple brandy” et c’est vraiment considéré comme un spiritueux haut de gamme, un symbole du savoir-faire français.
Aujourd’hui, on exporte dans 65 pays. La maison Drouin est LE spécialiste des Calvados les plus rares, on a des millésimes de 1961 à aujourd’hui. Il n’y a pas d’équivalent dans la profession. On a été récompensé par plus de 300 médailles d’or dans les concours de spiritueux.
Calvados millésime 2005 © Christian Drouin
Avec une approche novatrice également, on peut parler d’un renouveau ?
On a commencé à faire du gin en 2015. On a lancé récemment un apéritif qui s’appelle l’ABC de Christian Drouin, l’équivalent d’un vermouth, mais en partant de la pomme. On propose aussi un pommeau, un assemblage de calvados et jus de pomme. Les innovations à mes yeux n’ont du sens que quand elles ont des racines.
Caves de calvados © Christian Drouin
On a aussi une gamme qui s’appelle experimental de Christian Drouin, où on fait des partenariats avec les plus belles maisons de spiritueux de la planète. On fait des échanges de fûts pour terminer le vieillissement de nos calvados dans des fûts de rhum, de grand whisky, de cognac…
Comment s’est fait ce passage au gin ?
Le Calvados est un produit qui intéresse vraiment les barmans. On les a souvent fait venir à la distillerie, on a écrit des livres de cocktails avec eux et fait des compétitions. Les barmans me parlaient souvent de gin. Je suis œnologue, j’ai toujours aimé jouer avec les arômes, et là je me suis dit « tiens mais c’est quand même sympa le gin, il y a peut-être des choses à faire, est-ce qu’on pourrait faire un bon gin en travaillant avec des pommes à cidre ? » Notre recette incorpore 30 variétés de pommes. J’ai créé toutes les recettes. On s’est dit on va travailler plante par plante, comme ça on va savoir ce qu’on fait.
Depuis la gamme s’étend
Il y a d’abord eu Le Gin, notre premier, puis depuis on a créé Carmina, plus estival, autour des fruits rouges avec notamment du cassis et de la framboise. Ensuite Pira, à base de l’autre fruit emblématique de la Normandie : la poire à poirée. Notre dernière référence est un Yellow Gin vieilli en fût de Calvados. On a obtenu l’année dernière le titre de World Best Botanical gin au World Gin Awards. Plus de 600 marques de gin participent à cette compétition à Londres !
Pira World Best Gin avec poire © Christian Drouin
De quoi le Calvados est-il fait ?
Le Calvados est obtenu par la distillation du cidre. On a à peu près 35 variétés de pommes dans nos vergers. Des pommes spécifiques, des variétés riches en tanins, douces amères, des fruits phénoliques qui ne sont pas traités. C’est le spiritueux le plus écologique de toute la planète car quand on fait un bilan carbone de notre entreprise, on s’aperçoit que chaque fois qu’on produit une bouteille de Calvados, on absorbe 2,9 kilos de CO2. On ne peut pas faire beaucoup mieux en termes de durabilité et de local.
Il n’y a jamais de pommes à croquer dans vos vergers normands ?
C’est un peu surprenant quand on croque dans nos pommes, il y a de jolis arômes, mais aussi de l’amertume. Donc non. Les variétés ont même des maturités distinctes. On les ramasse à partir du mois de septembre jusqu’à début décembre. On attend que les pommes tombent des arbres, pour les ramasser à même le sol. Pour bien travailler, il faut idéalement passer sous chaque arbre toutes les semaines ou tous les 10 jours.
Recolte de pommes pour le Calvados © Christian Drouin
Il est loin le temps de l’interdiction, de la prohibition ?
Louis XIV avait passé en effet une ordonnance royale en 1713 qui a interdit d’exporter le Calvados en dehors de la Normandie, et ce du jour au lendemain ! Il était bien stipulé que c’était pour favoriser le développement des exportations des eaux de vie de vin. Le Cognac à l’époque existait à peine, c’était une toute petite industrie et ils ont obtenu ça du roi. Aux 17e et 18e siècle, le Calvados était un spiritueux exporté dans toute l’Europe, avec un commerce bien installé, et cela a été dévastateur pour la Normandie alors que toutes les grandes maisons de Cognac ont été créées dans les 50 années qui ont suivi. Le décret a été levé à la Révolution française.
Hors d’Age Calvados © Christian Drouin
Puis il y a eu un autre moment crucial, le phylloxéra qui [à la fin du 18e] a décimé le vignoble européen. Il n’y avait plus de vigne, il n’y avait plus de vin, il n’y avait plus de cognac, mais les gens avaient toujours soif ! Les pommiers n’étaient pas touchés et donc il y a eu un véritable âge d’or de la pomme au tout début du 20e siècle. Chaque surface agricole en Normandie était plantée de pommiers parce qu’il y avait des débouchés énormes dans le cidre et le Calvados.
A savoir
Visites classiques toute l’année, du lundi au samedi, de 9h à 12h et de 14h à 18h. Visites libres avec guide en français et en anglais sans réservation. La visite se termine par une dégustation des produits. Visites d’exception sur réservation.Tarif : 45 € par personne. Durée : 2 heures. Dégustation des calvados directement aux fûts. Menu expérience Comprend la visite du domaine à 11h et le déjeuner à 12h au restaurant-crêperie Le Pré-Verger. Sur réservation. Tarifs : 22,50 € (hors boissons) – 10,50 € pour les moins de 10 ans.
Dégustation du Calvados © Christian Drouin
Calvados Christian Drouin
1 895, route de Trouville à Pont-l’Évêque.
Réservations : www.calvados-drouin.com ou reservation@calvados-drouin.com.
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