Culture
Avec Victoria Wilmotte, le futur du design se profile
22 SEPTEMBRE . 2025
Alors que son showroom rue Madame s’apprête à fêter sa première année, Victoria Wilmotte dévoile une nouvelle exposition baptisée COLORSCAPE, composée de pièces aux couleurs audacieuses et aux lignes radicales à l’image de cette designeuse engagée ! On la rencontre dans son atelier parisien !
C’est une allure : blondeur platine rabattue en arrière, silhouette noire dont elle a fait sa signature ; Victoria Wilmotte aiguise son style jusque dans les plus infimes détails.
Une exigence et une manière de faire qui s’ancre très tôt, avec le souhait d’en faire un statut : celui d’artiste. Enfant, elle passe ses étés à Saint Paul de Vence où ses parents louent une maison voisine de la Fondation Maeght. Le cercle amical est alors peuplé d’artistes et la principale activité de la belle saison consiste à visiter les musées, galeries et fondations alentour. Pour suivre la destinée qu’elle s’est imaginée, elle s’inscrit en option Arts Plastiques au bac où elle laisse exprimer sa créativité avec beaucoup de rigueur : « Mes dossiers, je les faisais très bien : c’était des formes très géométriques qui s’imbriquaient, quasi de l’art concret, inspirées par des figures comme la galeriste Denise René ou l’artiste Aurélie Nemours ». Cette même année, à 17 ans, elle repense sa chambre au domicile parental. Elle dessine les plans de cet espace, crée une salle de bains « à la Jean-Pierre Raynaud » : sol blanc, joints noirs et commence à collectionner du design avec pour première pièce, la lampe Nesso éditée par Artemide. Avec ces exercices, c’est une vocation qui se précise : celle de vouloir devenir « designer », pour penser et fabriquer des objets.
Colorscape © Victoria Wilmotte
L’Ecole Camondo lui ouvre ses portes pour trois années de formation intense, dispensée par les plus grands designers. D’Inga Sempé notamment, elle confiera avoir beaucoup appris. De son exigence, de sa vision précise et nette du design. Car si l’enseignement est assez généraliste, sa volonté de recentrer sur le design se manifeste rapidement : « Je faisais un peu de tout mais je n’étais pas trop à l’aise avec l’architecture, c’était trop long, je voulais aller tout de suite dans le concret ». Elle développe ainsi un style singulier, fait de lignes, d’angles, soulignés parfois de néons, un style très graphique qui s’applique à toutes les échelles.
Cet univers qui lui sera reproché par ses enseignants parisiens, craignant qu’il ne l’enferme dans un seul registre, se révèle pleinement à Londres où elle intègre la section Design Product du Royal College of Arts. « A Londres, on me félicitait d’avoir justement ce style affirmé et j’arrivais à l’appliquer dans des formes d’objets très variées »
Dans cette école londonienne, elle se sensibilise à une forme d’intelligence dans la fabrication, un rapport à la production, à l’utilisation de la machine et à son optimisation. Des principes qu’elle reprendra à son compte une fois installée.
Victoria Wilmotte dévoile sa nouvelle exposition COLORSCAPE © Victoria Wilmotte
De retour à Paris, les choses vont vite : elle obtient un atelier dans le 11eme arrondissement et se lance à travers une première éditions d’objets qu’elle présente in situ.
Frédéric Chambre, figure phare du Design et alors directeur du Département chez Pierre Bergé et associés à Bruxelles, lui donne carte blanche pour une collection tout en marbre. A la faveur de cet événement, elle rencontre une équipe de marbriers et tombe sous le charme d’un matériau qui deviendra phare dans son travail. On est en 2010 et l’entente avec ces artisans ne s’est jamais démentie, elle enchaîne les collaborations et les challenges avec eux comme la sortie d’une collection en nid d’abeille (autrement dit une fine couche de marbre collée sur une feuille de fibre de verre ou de carbone, elle-même collée sur une couche de nid d’abeille aluminium). Cette technique, permettant d’alléger considérablement le poids des pièces et de maximiser leur résistance aux chocs, lui donne d’infinies possibilités pour penser des pièces en volume, de grande ampleur. A partir de là les choses s’enchainent rapidement : elle signe ses premiers miroirs pour les éditions de made in design, la marque Poliform lui commande en 2012 une collection pour les designers days (collection qui sera reprise par Classicon) et elle collabore avec la Redoute qui achève de la faire connaître du grand public. En filigrane, le monde du design l’adoube et elle se voit consacrée par un solo show au PAD en 2014 avec la galerie Torri, qui signe le début des pièces en édition limitée qu’elle nomme volontiers « ses sculptures industrielles », inaugurant les collaborations avec d’autres prestigieuses galeries qui la solliciteront comme la galerie Jousse ou encore la maison d’éditions Théorème.
La Factory, l’atelier quai des Célestins de Victoria Wilmotte © Fabien Breuil
Une nouvelle étape marquante vient précipiter les choses : elle obtient un nouvel atelier quai des Célestins – la Factory – qui va lui permettre de faire elle-même, et d’assouvir un grand besoin de productions. « Avec cet atelier, c’est une pensée qui se fait différemment : c’est à dire que même si je sous-traite, je prépare les dessins et contrôle toute la chaîne de production et bien sûr, toutes les pièces en métal sont ici auto-produites. » Un cercle vertueux qui ouvre à tous les possibles : « C’est l’atelier qui me donne envie de créer, c’est là, les machines sont disponibles je peux faire et j’y vais ». Elle renoue alors avec les enseignements du Royal College of Arts pour mettre à profit cette expérience de l’optimisation de la fabrication. Une dichotomie qui ne manque pas de nous amuser : si ses pièces sont le symbole d’une esthétique radicale, quasi futuriste, leur fabrication est quant à elle, artisanale, faite dans son atelier parisien.
La Factory, l’atelier de la designer Victoria Wilmotte © Fabien Breuil
« Mes formes sont proches de l’outil tout en étant libres et sculpturales »
Pour présenter au public, habitué à découvrir ses collections sur son site, et ne plus subir les temps longs entre deux expositions en galerie, Victoria décide d’ouvrir son propre lieu sous la forme d’un showroom rue Madame. Annoncé par une enseigne néon aux initiales de la designeuse, ce lieu quasi intégralement vitré, laisse découvrir les dernières créations de Victoria et pique la curiosité des passants. COLORSCAPE, sa dernière exposition en date, dévoilait ainsi miroirs, consoles et luminaires comme autant de pièces qui pourraient composer un univers total …
© Victoria Wilmotte
Les prémices d’un grand projet un peu fou dont elle rêve : la commande d’un lieu global où elle pourrait signer l’ensemble du mobilier et des objets.
En attendant cette fameuse requête, elle enfourche son scooter, un BM CE 04 « qu’elle aurait pu dessiner elle-même » pour filer à son showroom. Affaire à suivre attentivement …