Gastronomie
Rencontre avec Gabriel Guinnebault, le chef du restaurant Autour de l’âtre dans le Jura
15 OCTOBRE . 2025
À Val Sonnette, dans le Jura, le jeune chef Gabriel Guinnebault cuisine minutieusement les produits de sa région dans sa cheminée transformée en un sublime piano de cuisson. Le restaurant Autour de l’âtre, c’est à la fois des saveurs exceptionnelles et une musique culinaire rare aux principes très élaborés. Entretien avec un chef au parcours exemplaire révélateur des évolutions récentes en cuisine. Sur la route de ce restaurant unique dans le Jura, quelques étapes à ne pas manquer.
Le chef du restaurant Autour de l’âtre dans le Jura, Gabriel Guinnebault
Pouvez-vous situer les origines de votre cuisine ?
Mes deux grands-mères cuisinaient. Du côté paternel c’était plutôt une cuisine bourgeoise. J’ai d’ailleurs encore ses carnets de réception qui sont une part de sa vie. Je sais qui a mangé chez elle, pour quelle occasion, quel était le menu et quels ont été les vins servis, et ce depuis 1953 date de son mariage jusqu’à 2002 où figurent ses derniers menus. On voit d’ailleurs mon nom apparaître. (Il est visiblement ému.) Chez ma grand-mère maternelle, c’était plus une cuisine familiale et provençale, ça sentait toujours l’oignon, le thym, l’ail dans sa cuisine… La petite pissaladière par laquelle on commence les repas au restaurant, c’est un hommage. La première fois qu’elle m’a regardé cuire une côte d’agneau, elle m’a dit : « Mais pourquoi t’as pas fait saisir le gras ?
Quand et comment décide-t-on de devenir cuisinier ?
Ma découverte de la gastronomie s’est faite progressivement comme à L’Agapé, le restaurant gastronomique à Paris, où je travaillais en salle quand j’ai vu apparaître sous la fumée un carpaccio de veau aux huîtres et au chou-fleur. C’est une recette de Mathieu Sagardoytho qui est maintenant à Chablis à Au fil du zinc. Je me suis dit « waouh, c’est trop cool ça ! » J’ai conservé cette idée d’un carpaccio de veau. J’ai rencontré Hugo Desnoyer un peu plus tard, comme d’autres chefs… Je suis allé à L’arpège, et quand Alain Passard fait les rôtisseries d’héritage, c’est de sa grand-mère dont il parle d’ailleurs. C’est très simple, un beau produit, des assaisonnements et un geste de rôtisserie, comme une évidence. En fait, quand on fait un geste de cuisine, il faut faire en sorte que ça ne se voit pas.
Sa passion pour la cuisine vient de sa grand-mère
On connaît les cuisines ouvertes, celle d’Autour de l’âtre est centrée sur la cheminée qui sublime la salle de restaurant, c’est un choix ?
Le feu c’est ce qui a permis notre humanité, c’est très ancré dans nos vies puisque sans feu… (Il est songeur quelques secondes puis ses yeux pétillent) Il faut revenir à la notion d’atrium en latin, la pièce dans laquelle on se retrouve, le foyer où on vient poser des produits. Et c’est ça qui fait lien depuis des siècles, qui fait une recette : un producteur et ses produits, ensuite un assaisonnement qui doit être profond mais assez simple. Il faut rester sur des mets reproductibles et savoureux.
L’âtre central de son restaurant
La cuisson autour de l’âtre permet-elle d’imaginer de nouvelles approches culinaires ?
D’une manière générale, les légumes sont cuits préalablement dans un jus, ensuite je peux avec le feu provoquer une caramélisation, une réaction de Maillard, pour qu’il y ait un jeu de texture et intégrer le goût de fumée. Je le fais avec les carottes, les betteraves et tous les légumes racines. Pour ce qui concerne les légumes verts, en général, je les blanchis et les passe sur la flamme, sauf pour les légumes-feuilles comme les épinards, ils passent directement à la flamme avec juste un tout petit peu d’huile d’olive. Les asperges vertes vont directement sur la braise et je déglace dans la poêle que j’ai sur le feu, avec les sucres de viande.
Est-ce une cuisine régionale, familiale ou toute autre ?
C’est une cuisine assez instinctive et il faut qu’elle soit le plus régionale possible, mais pas dans les clichés de poulet au vin jaune et aux morilles qui baignent dans la crème. Ça, j’en suis très loin. Il faut que ce soit une cuisine régionale pour les produits qu’on utilise, s’approvisionner au maximum en local. Et en fromage du comté, bien évidemment ! (Il sourit) Parce qu’on ne peut pas… Enfin, parce que c’est hyper bon ! Mais faire une cuisine régionale, ce n’est pas tomber dans le cliché des cuisines régionales inventées dans les années 60. C’est juste la cuisine de notre environnement, les recettes des produits autour de nous. On n’est pas loin de la forêt, donc y a du bois. Il y a une plaine maraîchère qui se conjugue avec beaucoup d’élevage de volailles. Il y a également de très beaux bœufs dès qu’on va sur le plateau où deux fermes me font des agneaux absolument sensationnels. Cuisiner la région, pour moi, c’est ça. Beaucoup plus que de tomber dans les clichés de vin jaune dans toutes les sauces. Le vin nature du Jura, je préfère le proposer à boire.
Le chef Gabriel Guinnebault propose une cuisine authentique
Avec au finish, un dessert surprenant et délicieux !
C’est une recette de Léa (son associée) qui a été publiée dans un livre aux éditions de l’Epure sur les 10 façons de préparer le café. Avec Léa, on s’est tout de suite entendus sur le fait que les desserts soient des tartes. C’est la forme parfaite d’un dessert au restaurant, avec lequel on peut jouer sur les textures, les saveurs, les températures à l’infini des combinaisons. Accessoirement, c’est très esthétique. Pour la tarte chocolat-café, il y a une pâte sucrée, un crémeux chocolat café, un biscuit au massepain, de la crème fouettée mascarpone, un gel d‘expressos, quelques noisettes et un zeste de citron. Je fais d’ailleurs griller les tranches de citron sur une braise très chaude et ensuite je les confits dans un sirop. Café, noisette, citron ! Ça va tellement bien ensemble.
Un dessert sur la carte du restaurant Autour de l’Âtre
Le restaurant au Jura, Autour de l’Âtre, a été pensé dans une ancienne grange rénovée, nichée dans un écrin de verdure typique des reculées jurassiennes ; exactement dans le village de Grusse dans la commune de Val-Sonnette.
Autour de l’Âtre
13 La Dove Grusse 39190 Grusse
autourdelatre.fr
Sur la route du restaurant, à environ 30 km, il faut faire une halte à Arbois, petite ville connue comme la capitale des vins du Jura. Déjeuner au Bistrot des Claquets, repère des viticulteurs et gastronomes de la région, est un moment hors du temps. La carte des vins de l’établissement est hors-normes pour une cuisine à la fois gourmande et raffinée… Un délice joyeux ! Pour le dîner, allez au Circus, la table gastronomique qui monte, avec des propositions originales et inventives.
Le Bistrot des Claquets
33 Rue de Faramand, 39600 Arbois
lebistrotdesclaquets.com
Le Circus
43 Rue de Faramand, 39600 Arbois
restaurantcircus.fr
Pour dormir à Arbois, choisissez le domaine de Berthe. Magnifique propriété en plein centre-ville.
Le Domaine de Berthe
3 chambres, à partir de 110 euros
35/37 rue de Courcelles, Arbois
ledomainedeberthe.fr