Les expositions à voir à Londres en ce moment

Wayne Thiebaud, American Still Life

Longtemps catégorisé comme un artiste Pop, Wayne Thiebaud était en réalité un fervent défenseur de la peinture, loin des commentaires de la société mercantile affichés par ses contemporains Roy Lichtenstein, Andy Warhol et Claes Oldenburg. L’exposition « American Still Life » du Courtauld constitue sa toute première rétrospective muséale au Royaume-Uni.

Wayne Thiebaud dans son studio à Sacramento avec le professeur Paul Beckmann, 1962 © Wayne Thiebaud VAGA at ARS NY et DACS London

Au dernier étage de l’institution historique, juste après le Déjeuner sur l’herbe d’Édouard Manet et autres chefs-d’œuvre de la collection permanente, on découvre des toiles colorées iconiques, symboles visuels de l’Amérique moderne détachés de leur contexte. Desserts aux glaçages brillants, hot dogs, distributeurs de chewing-gum et flippers… Wayne Thiebaud a réinventé la nature morte en célébrant les objets du quotidien ! Au-delà d’une palette aux couleurs vives, les œuvres rendent hommage aux grands maîtres comme Chardin, Manet ou Cézanne. Le parcours met aussi en lumière son portfolio de gravures « Delights » (1965), où l’artiste expérimente un rendu plus subtil en noir et blanc, démontrant sa maîtrise du dessin et de la gravure. Une exposition à voir cet automne 2025 à Londres.

The Courtauld, Somerset House, Strand, Londres WC2R 0RN. Jusqu’au 18 janvier 2026

Peter Doig, House of Music

Cette exposition à Londres marque le retour attendu de Peter Doig à la Serpentine South Gallery, vingt ans après sa première présentation. Située au cœur de Kensington Gardens, l’institution a été entièrement réinventée pour l’occasion : l’espace est transformé en un salon cosy qui mêle peinture, musique et cinéma. Les visiteurs déambulent parmi des œuvres monumentales qui évoquent Trinidad, où l’influence caribéenne s’exprime à travers des motifs de lions, des scènes nocturnes et des portraits de figures locales comme Shadow et Emheyo Bahabba.

Peter Doig : House of Music une exposition à voir à Londres © Prudence Cuming Associates

Doig a également rassemblé une collection de vinyles, dont la musique est diffusée grâce à d’imposantes enceintes historiques issues de cinémas, comme le mythique système Western Electric et Bell Labs des années 1920. Ces hauts-parleurs, habituellement dissimulés derrière les écrans, deviennent ici de véritables sculptures acoustiques. Le mobilier, constitué de fauteuils et de tables qui incitent à la contemplation, renforce aussi la dimension chaleureuse et intime du parcours.

Chaque dimanche, la galerie s’anime avec le « Sound Service ». Des musiciens, DJs et artistes de renom, tels que Brian Eno ou Linton Kwesi Johnson prennent possession du salon central pour des sets et des écoutes collectives. Conçue pour plaire aux puristes de l’art comme aux néophytes et aux enfants, l’expérience multisensorielle invite chacun à habiter le lieu, loin des conventions muséales.

Serpentine South Gallery, Kensington Gardens, Londres W2 3XA. Jusqu’au 8 février 2026

Paradigm Shift 

Principalement tourné vers l’art digital, 180 The Strand expose son  « Paradigm Shift » dans les souterrains monumentaux de la bâtisse qui borde la Tamise. Dans un dédale de couloirs imaginé comme un labyrinthe, plus de vingt artistes internationaux tissent une fresque des cinquante dernières années d’images en mouvement.

Malgré un fil conducteur un peu flou, l’exposition met en scène des petits bijoux de créativité qui jouent avec les codes du cinéma expérimental, de la mode, des jeux vidéo et d’internet. D’Andy Warhol à Sophia Al-Maria, Meriem Bennani, Nan Goldin et Arthur Jafa, le parcours interroge sur comment la technologie et les écrans ont redéfini notre rapport au réel. « Paradigm Shift » célèbre ainsi autant la mémoire du médium vidéo que ses variations. Des fragments Super 8 de Dara Birnbaum déconstruisant les icônes féministes des années 1970 répondent aux flux numériques saturés de Pipilotti Rist. Mark Leckey revisite l’enfance médiatisée, tandis que TELFAR TV érige la mode en manifeste participatif. Loin d’un discours thématique unique, chaque salle est conçue comme un écosystème sensoriel indépendant : sons, projections et architectures lumineuses se confondent pour restituer la puissance hypnotique des images, miroir d’une époque où chaque geste peut être archivé, pixelisé et revendu.

Hip Hop, Shanghai, 2025 © Cao Fei

Juste à côté dans le même bâtiment, l’exposition dédiée à Ryoji Ikeda poursuit cette exploration du visible et de l’invisible. Le compositeur et plasticien japonais fusionne art, mathématique et physique pour transformer les données issues de la NASA ou du CERN en symphonies visuelles. Ses pièces comme data-verse ou Test Pattern transforment l’infinité du code en lumière pure, oscillant entre vertige cosmique et poésie numérique. Âmes photosensibles s’abstenir !

180 The Strand, Londres WC2R 1EA, Royaume-Uni. Jusqu’au 21 décembre

Gilbert & George, 21st Century Pictures

La Hayward Gallery offre une plongée dans l’œuvre des célèbres artistes londoniens Gilbert & George, pères spirituels de la « sculpture vivante », qui se sont mis en scène comme œuvres d’art à part entière toute leur vie. Mi-rétrospective des dernières décennies, mi-installation immersive, le musée présente plus de 60 œuvres monumentales qui questionnent des thèmes universels comme la sexualité, la religion, la classe sociale et la mort. Le parcours met en lumière leurs séries phares, telles que « New Horny Pictures » (2001), « The London Pictures » (2011) et « The Corpsing Pictures » (2022), jalonnées par l’introduction en 2025 de deux nouvelles pièces issues des « Screw Pictures ». Ces dernières abordent la mortalité et le quotidien, en incorporant des images d’objets usuels comme des vis et écrous recueillis autour de leur domicile.

Gilbert & George, 21st century pictures © Mark Blower

Gilbert & George utilisent aussi les technologies numériques pour magnifier et déformer leurs images, créant des installations qui bouleversent les codes du portrait traditionnel. S’ils n’apportent pas forcément un regard neuf sur notre société en pleine mutation, on prend plaisir à se replonger dans un monde à la lisière du kitsch et du commentaire social, témoin d’une période où Londres était la plus punk des villes d’Europe !

Hayward Gallery, Southbank centre, Belvedere Road, Londres SE1 8XX. Jusqu’au 11 janvier 2026

Cecil Beaton’s Fashionable World

La National Portrait Gallery de Londres avec une rétrospective dédiée à Cecil Beaton, connu comme le « King of Vogue ». L’exposition célèbre l’éclat et le génie créatif du photographe iconique de mode, passé maître dans l’art de sublimer les célébrités, les aristocrates et les membres de la royauté britannique à travers plus de 250 pièces mêlant portraits, lettres et croquis.

Cecil Beaton, 1935 © Cecil Beaton Studio Archive, Londres

Le parcours débute dans le Londres des années 1920, avec les premières expérimentations photographiques de Beaton. On découvre un autodidacte fasciné par le glamour hollywoodien, la haute société… et par lui-même. De ses liens avec les « Bright Young Things » aux stars hollywoodiennes telles que Marilyn Monroe et Elizabeth Taylor, en passant par ses rituels de photographe officiel de la famille royale – notamment Elizabeth II et la duchesse de Windsor – les photographies saisissent l’élégance et l’essence de ses sujets. L’exposition fait aussi la part belle aux costumes emblématiques du film « My Fair Lady », couronnés par plusieurs Oscars, dont un est présenté dans une vitrine, témoin de l’influence durable de Beaton sur la mode et le cinéma.

National Portrait Gallery, St Martin’s Place, Londres WC2H 0HE. Jusqu’au 11 janvier 2026

Triple Trouble, Fairey, Hirst and Invader 

Organisée Connor Hirst, le fils de l’artiste rebelle Damien Hirst, « Triple Trouble » investit tout l’espace de Newport Street Gallery (propriété de papa). Il s’agit de la première exposition collaborative des icônes du street art et de l’art populaire Shepard Fairey, Damien Hirst et Invader. « Triple Trouble », est une expérience visuelle aussi inédite qu’inattendue.

Triple Trouble au Newport Street Gallery, Londres © Prudence Cuming Associates © The artists

Les œuvres exposées mêlent peinture, sculpture, installation et mosaïque pour explorer la rencontre entre art contemporain, culture urbaine, imagerie pop. Fairey, célèbre pour son iconographie OBEY et ses visuels engagés – il avait signé le visuel de la campagne présidentielle d’Obama avec son « Hope » en 2008 – s’immisce dans l’iconographie d’Invader et ses mosaïques pixelisées inspirées des jeux vidéo. Plus loin dans l’exposition, ce dernier se mêle à son tour au formol cher à Hirst, et recompose ses motifs familiers dans des œuvres colorées dont on ne sait plus si c’est de l’art ou du pur branding. Les créations hybrides jouent sur la répétition, brouillant les frontières entre la galerie et la rue, entre l’espace public et le business du merchandising.

Ce dialogue étonnant entre trois univers artistiques distincts souligne l’appétence pour un art reconnaissable, nourri d’un certain amour de la provoc’ et du pied de nez au monde de l’art traditionnel. Alors, coup de génie ou coup de comm’ ? À vous de juger !

Newport Street Gallery, Newport Street, Londres SE11 6AJ. Jusqu’au 29 mars 2026

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