Garry Winogrand : le regard et la désillusion

Culture

30DÉC. 2014

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Garry Winogrand : le regard et la désillusion

30 DéCEMBRE . 2014

Écrit par Louise Bollecker

Le Jeu de Paume présente près de 230 clichés du prolifique photographe américain Garry Winogrand. Capable de prendre jusqu’à 300 photos par jour, ce dernier n’a pas vu la moitié des oeuvres exposées : beaucoup proviennent de pellicules dont il n’avait fait aucun tirage. Mort brutalement en 1984, Garry Winogrand ne se donnait aucun thème à l’avance, pas plus qu’il n’effectuait de tri une fois les photos tirées.

C’est à Leo Rubinfien, ancien assistant de l’artiste, qu’est revenue la lourde tâche d’effectuer cette sélection sans trahir la vision de Winogrand. Nommé commissaire de l’exposition, il a choisi une scénographie épurée, à la fois chronologique et thématique. Le rez-de-chaussée est consacré aux photographies prises dans les années 1950 – 1960, principalement new-yorkaises, tandis que l’étage regroupe les clichés des décennies 1970 -1980, au Texas et en Californie. A l’intérieur de ces deux espaces, les photos sont mises en scène de façon inédite. Des séries dont Winogrand lui-même n’avait pas idée sont ainsi révélées. Les œuvres se répondent entre elles en de nouveaux jeux de regard.

Le regard, voici le thème phare de cette exposition comme de l’ensemble du travail de l’artiste. Il a commencé sa carrière par la photographie de sport : l’idée de saisir le mouvement au bon moment lui est restée. Egalement inspiré par le jazz et ses valeurs d’improvisation, il photographie ce qu’il voit dans la rue au fil des aléas du quotidien. Face à l’objectif, cette foule d’anonymes ou de célébrités est tour à tour indifférente, hostile ou amusée. Interrogeant l’acte photographique en lui-même, Garry Winogrand fixe les regards, la joie et l’innocence de l’Amérique de John Kennedy.

Pourtant, au fil des photos, le ton se fait plus sombre. L’American Dream se dessèche, s’étiole. Kennedy est assassiné, les espoirs de la contre-culture se noient et la beauté se fane. A l’entrée de l’exposition, un cliché montrait des femmes assises sur un banc, dynamiques, volontaires et heureuses. A la sortie, une seconde photographie, des années plus tard, montre à nouveau des femmes sous un abris-bus. Cette fois-ci, elles sont silencieuses, éteintes, démunies. Les passants qui avançaient vers l’avenir d’un pas décidé dans les rues de New York ne sont plus qu’un souvenir, remplacés par des femmes solitaires, ignorées et au pas déséquilibré au milieu des voitures de Los Angeles.

Le talent de Garry Winogrand réside donc dans cette dualité. Artiste interrogeant son art mais aussi son temps, il produit des images qui valent pour elles-mêmes autant que pour leur impact historique. Mention spéciale pour ses portraits en plan rapproché qui magnifient les visages et interrogent les sourires.

 

Louise Bollecker

 

Garry Winogrand au Jeu de Paume,
1, place de la Concorde
75008 Paris
01 47 03 12 50
Jusqu’au 8 février 2015
Du mercredi au dimanche de 11h à 19h, les mardis de 11h à 21h.
Jusqu’à 17h les 24 et 31 décembre. Fermé le 25 décembre et le 1er janvier.
Plein tarif : 10€ (7,5€ en tarif réduit)

 
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