Céramique, mon amour : l’argile s’expose chez Perrotin

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19JAN. 2018

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Céramique, mon amour : l’argile s’expose chez Perrotin

19 JANVIER . 2018

Écrit par Aymeric Mantoux

Non la poterie, les terres cuites, ce n’est pas ringard, réservé aux golden retraités du Lubéron. La preuve avec ces expositions de céramistes au top, comme Johan Creten, à la galerie Perrotin.

Devant la galerie Perrotin, un bronze monumental de Johan Creten © Claire Dorn

Quand Mémé est morte, personne n’a voulu du compotier en céramique avec ses faux citrons genre Vallauris. Eh bien voilà, on a eu tort. La cousine Gudule a été bien inspirée de le récupérer, ces objets s’arrachent à Serpette ou à Paul Bert. Après des années de disette bien méritée (grès flammé, grès cérame rouge et noir…) la « poterie » effectue son grand retour : exposition l’an dernier chez Merci de céramiques du monde entier, collaborations entre le musée national de Sèvres et les plus grands artistes, comme Erro ou Lee Ufan.

En 2016, l’exposition Ceramix à la Maison Rouge, et celle de la Cité de la céramique ont mis en avant plus de 250 pièces d’une centaine d’artistes dont les stars Fontana, Ai WeiWei ou Johan Creten. Un retour en grâce inespéré, tant les tenants du minimalisme les vouaient aux gémonies.

A la FIAC l’an dernier, on a pourtant vu des stands entiers dédiés aux précieuses céramiques, figurant à des degrés divers les obsessions de notre temps, depuis les fruits de mer au sexe, en passant par la clope…. sans oublier les vases de l’artiste Jim Dine, le protégé de la Galerie Daniel Templon.

Sur Instagram, pas moins de 4 millions de hashtags s’intéressent à la céramique, longtemps reléguée au rang d’artisanat, en marge du monde de l’art. On est bien loin de la séance de poterie de Ghost, avec Demi Moore et Patrick Swayze, qui, quoique torride, n’avait rien d’avant-gardiste.

L’explication? Les psychologues de comptoir des magazines féminins ne jurent que par le retour du fait-main, le côté slow life et hype des activités manuelles, très « terre-à-terre » (si,si !)

https://www.youtube.com/watch?time_continue=8&v=Cnnk6jzdpQQ

Rien de gentil ni de souriant, bien au contraire, dans l’exposition que la galerie Perrotin consacre actuellement aux céramiques de Johan Creten. Creten est de ces artistes qui ont choisi de travailler cette matière noble, malléable à l’envi, qui se durcit par le feu d’une façon radicale. L’artiste flamand, figure importante de la sculpture contemporaine, en repousse les limites avec son style identifiable, devenu une véritable signature.

Il expose actuellement une quarantaine de sculptures inédites en céramique et monumentales en bronze. Creten présente des tabourets-sculptures, pièces iconiques qui permettent aux visiteurs de regarder les sculptures sous différents angles pour en découvrir les détails et les surprises dissimulées. Génial.

Vue de l’exposition chez Perrotin © Claire Dorn

De prime abord, l’accrochage est mystérieux, avec sa lumière tamisée, les rideaux qui transforment carrément l’espace. De plus près, les oeuvres très poétiques, porteuses de nombreuses références à l’histoire de l’art se révèlent en relation les unes avec les autres. Elles offrent un regard sur l’actualité, plein d’acuité, parfois politique : portraits de femmes voilées, migrants, racisme, essence du capitalisme. Autant de thèmes magistraux mais jamais ennuyeux qui traversent l’oeuvre de l’artiste, comme son regard sur la nature.

Complexes, polysémiques, ses céramiques exceptionnelles élaborées avec une rare maestria révèlent bien plus qu’il n’y paraît. On ressort de cette exposition avec un regard changé ad vitam sur le sujet. Et si la céramique était aussi le « nouveau défi du street art » ? C’est en tout cas la question que se posait l’été dernier la 4e Biennale de Céramique de Salernes au Musée Terra Rossa. Eléments de réponse avec notamment L’Atlas et sa subtile écriture.

A voir aussi prochainement à Paris, les œuvres géométriques de la céramiste danoise Karen Bennicke qui offrent une dimension nouvelle à la matière : facettées, elles défient les sens au point qu’on les imagine en bois. Même les maisons de ventes aux enchères s’y mettent : Christie’s expose en ce moment Matthieu Lehanneur et ses cinquante disques de céramiques reprenant le mouvement et les couleurs marins. On vous le disait, la céramique est en pleine révolution. Promis mamie, j’en prendrai soin !

 Aymeric Mantoux

La céramique s’expose
Johan Creten à la Galerie Perrotin
Jusqu’au 10 mars
76 rue de Turenne
75003 Paris
Du mardi au samedi, 11h-19h
Karen Bennicke à la Maison du Danemark
Du 17 février au 1er avril
142 avenue des Champs-Elysées
75008 Paris
Du mardi au vendredi 13h-19h
Samedi-Dimanche 13h-18h
En ce moment, Matthieu Lehanneur chez Christie’s
50 Seas
Christie’s Paris
9 avenue Matignon
75008 Paris
Jusqu’au 2 février
Du lundi au vendredi, 9h-18h
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