Rencontre : David Japy, le photographe du bon

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05FÉV. 2020

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Rencontre : David Japy, le photographe du bon

05 FéVRIER . 2020

Écrit par Johann George

Une petite rue du XVIIe arrondissement parisien. Une grande porte cochère classique. Je passe le seuil et me retrouve dans une cour occupée par une série d’anciens ateliers d’une époque révolue. Dans l’une de ces bâtisses si caractéristiques, un studio photo un peu particulier. J’ai rendez-vous avec David Japy, photographe dont le thème de prédilection est directement lié à notre patrimoine français : la bonne chère. Rencontre. 

Propos recueillis par Johann George

David Japy photographie depuis bientôt vingt ans  la nourriture sous toutes ses coutures, plats, recettes, spécialités du salé au sucré, diverses et variées. Mais photographier ce qu’on est censé savourer nécessite un fabuleux petit savoir-faire de sorcier dans la mise en scène des belles images… Ou quand le talent ne s’improvise pas ! On a questionné David sur ses secrets de fabrication…

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© David Japy

Comment en es-tu venu à ce métier ? Pourquoi cette spécialité, hasard ou antécédents ?

Enfant, je posais déjà un regard attentif sur ce qui se passait autour de moi. Mon occupation majeure ? Observer les choses, les gens, la vie. Pour mes dix  ans, mes parents m’ont offert un petit  AGFA MATIC 200. Le regard s’est alors transposé progressivement dans la photo. Mon parrain à l’époque était distributeur Mamiya France, et m’a initié au moyen format 4,5 X 6 à focale fixe. Et puis, c’est de famille ! Un grand-oncle dans la famille était le photographe François Tuefferd, et comprenant mon intérêt pour le sujet, il m’a plutôt encouragé à n’en faire qu’un violon d’Ingres.

Rapidement, je commence à photographier des coques de bateaux, j’étudie le rapport entre matière, histoire, et tout ce que la mer peut véhiculer. J’aime l’abstraction des plans serrés. En 1989, lors d’un voyage en famille à Berlin, nous devenons les témoins involontaires mais privilégiés de la chute du mur. La encore la photographie prend du sens en accompagnant  mon regard.

 

Et le déclic culinaire alors ?

C’est très simple. J’ai passé un bac scientifique et suivi plusieurs stages aux Gobelins et à Arles pour finalement avoir l’opportunité d’assister Yves Jannes, photographe culinaire, avec qui je me forme aux prises de vue à la chambre. J’assiste aussi Edouard Sicot sur des reportages en Europe. Jusqu’à ce que je décroche ma première commande en tant que photographe culinaire pour le traiteur  Potel & Chabot.

 

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© David Japy

Quel est ton rapport à la nourriture, cuisiner et photographier, deux actions liées ? Que faut il montrer ?  

Dans ma famille, cuisiner est un rituel fort, on cultive les liens par les plats.

Photographier de la nourriture, c’est principalement mettre en valeur ce qui est dans l’assiette, tout ce qui entoure le sujet est essentiel pour composer le code environnemental, mais reste secondaire.

Selon moi, le goût est obligatoirement lié au visuel, mais un plat ne peut être photogénique que s’il est réellement bon ! Ce qui veut dire que tout ce que nous préparons pour la séance photo est réellement comestible. Combien de fois, suite à une journée de travail, ai-je convié ma petite famille ou des amis pour déguster concrètement ce qui avait été mis dans la boîte juste avant ! On est bien loin, donc, du fantasme qui consiste à croire que pour être beau, un plat est forcément truqué, bidouillé et rehaussé avec des techniques dignes du cinéma. Même si cela peut exister en publicité, dans l’édition ou dans les magazines, mon travail à moi se fait sur le réel.

 

Comment travailles-tu ?

Je travaille en collaboration avec une styliste culinaire, qui prépare le plat et le met en condition, avec divers choix de vaisselle, d’ustensiles et de supports pour créer l’environnement. Que ce soit pour un livre ou un magazine, nous répondons à une demande artistique précise, mais libre à nous d’en créer l’univers.

J’utilise principalement le lumière du jour zénithale et latérale exposée au nord, comme dans un atelier d’artiste-peintre. J’utilise très peu de sources artificielles. La température de lumière sera toujours plus chaude sur le plat que sur ce qui l’entoure quelque soit la recette. La star c’est le mets, le reste doit passer au second plan. J’évite, et c’est une règle évidente, le bleu et le vert qui curieusement ne valorisent pas la fraîcheur !

 

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© Johann George pour Les Grands Ducs

 

Le métier a t-il changé ?

De l’argentique au numérique, l’outil a évidemment changé la façon de travailler et la méthode aussi. Aujourd’hui le travail se fait à la prise de vue mais aussi en retouche informatique. Quand on regarde une photo  dans un livre des années 1960, la femme au foyer était une cible privilégiée, les recettes traditionnelles ou du terroirs étaient reines : le pot-au-feu, la blanquette de veau ou la charlotte aux fraises, par exemple… De nos jours, la quantité de sujets abordés en cuisine indique une forte créativité, une ouverture sur le monde mais aussi une demande sur-mesure.

Les sujets sont très spécialisés. On peut très bien faire un livre sur des recettes simples et rapides pour répondre à une vie manquant cruellement de temps, tout comme concevoir un ouvrage sur le pâté-croûte traditionnel. Il faut se souvenir que style des photos marque toujours une époque, quel que soit le sujet traité.

 

Y’a-t-il d’autres thèmes que tu aimerais traiter ?

Cette spécialité me plaît, même si je reste curieux de tout. J’ai toujours un appareil avec moi et je photographie beaucoup l’intime, ma famille, mes déplacements.

 

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© David Japy

 

Le photographe qui t’inspire ? 

Je n’en ai pas, j’aime les regards différents et je m’en nourris. Bien sûr, j’ai beaucoup d’admiration pour Weston ainsi que pour la photographie japonaise. En ce moment, je recommande mon livre de chevet, 50 ans de photographie française de 1970 a 2020 de Michel Poivert (éd. Textuel).

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© David Japy

Ta photo la plus « gustative » ?

Impossible de répondre sur une image, et puis dans un repas il y a au moins trois plats, non ? Mais j’aime bien la mousse au chocolat que j’ai photographier pour le livre Les classique de Camille, par Camille le Foll (David Japy a reçu le prix Ladurée pour cet ouvrage, ndlrLa photo démontre ce que l’on ne voit plus : la mousse a été bâfrée !

 

Ton boîtier fétiche ?

Le GFX 50 R de Fuji , j’attendais ce boîtier qui regroupe les habitudes du moyen format argentique, mais avec la technologie numérique. C’est une 4L avec un V6 a l’intérieur ! On peut cadrer directement dans le viseur en carré ou autre format, on retrouve des rendus de films argentiques. le bonheur ! Au niveau du rendu, c’est du haut de gamme.

Une remarque inutile ?

Les photos culinaires vieillissent plutôt vite, c’est lié aux tendances, à l’époque, aux perpétuelles innovations dans les recettes et aussi dans la façon de se nourrir (les tendances bio, vegan, internationales). C’est le stylisme qui marque l’époque.

J.G

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