Egon Schiele, le scandale du nu féminin

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15JAN. 2021

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Egon Schiele, le scandale du nu féminin

15 JANVIER . 2021

Écrit par Laure Martin

Artiste emblématique de la Sécession viennoise, Egon Schiele est à la fois l’artiste le plus sulfureux du tournant du XXe siècle et le plus fulgurant -ce génie subversif meurt à seulement vingt-huit ans. Influencé par les écrits de Freud et fasciné par l’érotisme, sa production artistique singulière heurte de plein fouet les tenants du classicisme et les conventions bourgeoises de l’époque. Son sujet favori ? Le nu féminin bien sûr… Qu'il tord à souhait pour proposer un érotisme transgressif.

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Nu de dos accroupi, 1917.

Né en 1890 à Tulln, petite ville de province de la Basse-Autriche située sur le Danube et fils d’un chef de gare, rien ne prédestinait Egon Schiele à une carrière artistique. Pourtant, passionné par le dessin dès sa plus tendre enfance, il se réfugie dans ses carnets de croquis pour dessiner le monde qui l’entoure.

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Autoportrait, 1912

Son père, vexé par le désintérêt de son fils pour son métier, brûle ses premiers croquis de wagons de chemin de fer. Mais rien ne l’arrête : contre l’avis familial le jeune artiste décide de suivre des cours de dessin au lycée de Klosterneuburg. Son professeur, ébloui par ses croquis, l’encourage à multiplier ses promenades à la campagne qui l’inspirent profondément.

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Autoportrait, 1906

Un an après la mort de son père en 1905, Schiele est reçu — à seulement 16 ans — à la Kunstgewerbeschule, l’École des Arts et Métiers de Vienne. Ses professeurs remarquent tout de suite son style singulier et audacieux et l’incitent à s’inscrire à la prestigieuse Akademie der Bildenden Künste, l’Académie des Beaux-Arts de Vienne, dont l’artiste suivra les cours pendant 3 ans.

 

Le style cru et singulier d’Egon Schiele : la fureur de vivre

Frustré par le style conservateur de son tuteur de l’époque et soutenu par son mentor Gustav Klimt (tiens, encore lui), il claque la porte de l’Académie pour fonder en 1909 le groupe éphémère Neukunstgruppe au programme non conventionnel : « Il n’y a pas d’art nouveau, il y a de nouveaux artistes… le nouvel artiste doit obligatoirement être lui-même, il doit être créateur et doit, sans intermédiaire, sans avoir recours à l’héritage du passé, construire, absolument seul, les fondements ».

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Autoportrait avec l’épaule nue soulevée, 1912.

Appliquant ces nouveaux concepts, Egon Schiele développe une pratique expérimentale dans laquelle il questionne les souffrances profondes de l’être. Se prenant pour sujet d’expérimentation, Schiele s’essaye à l’art de l’autoportrait.

Sur certains tableaux, il se présente nu, se dédouble, sur d’autres il ne se résume qu’à une partie du corps, son visage, ses mains, ses jambes… De là, les prémices d’un traitement systématique du corps apparaît : sa figure se crispe, ses muscles se contractent, ses os se disloquent, ses membres s’individualisent… et l’usage singulier de la ligne surgit alors.

 

Pour une nouvelle forme d’érotisme

Mis au service d’un érotisme subversif dans plus de 3 000 œuvres sur papiers et environs 300 peintures, le trait n’a de cesse de canaliser ses pulsions érotiques et de présenter des nus féminins transgressifs.

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Nu féminin, 1910.

À la recherche d’une nouvelle forme d’érotisme, Schiele choisit de représenter des corps frêles de prostituées ou de jeunes filles issues de classe populaire. Par exemple, dans le nu féminin de 1910, l’artiste figure à l’aide d’épaisses lignes noires un corps nu désarticulé, crispé, disproportionné d’une fille de joie.

Grâce à un jeu habile de couleurs entre le noir du tracé et le blanc du halo symbolique qui entoure la femme, Schiele attire subtilement le regard du spectateur vers la zone érotique par excellence : le sexe féminin.

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Fille nue aux cheveux noirs, 1910.

Choqué, le public conservateur viennois de l’époque clame qu’il « dessine le vice le plus abject et la dépravation la plus profonde ».

Mais Egon Schiele ne s’arrête pas là. Sa volonté de dépeindre les corps est sans limite. Ainsi, il décide de s’intéresser à la représentation de la femme-enfant androgyne comme l’illustre le dessin de 1910, Fille nue aux cheveux noirs. Cet intérêt pour les jeunes filles lui vaudra d’être envoyé en prison pendant 24 jours pour obscénité.

 

Wally Neuzil et Édith Harms, les deux femmes de sa vie  

Si la représentation du corps féminin tient une place primordiale dans le travail de l’artiste, elle est considérablement bouleversée par la rencontre en 1911 de sa muse favorite : Valérie Neuzil également appelée Wally Neuzil.

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Portrait de Wally Neuzil, 1912.

La sulfureuse jeune femme — et ancien modèle de Gustav Klimt — inspire profondément Egon Schiele. En 1912, il réalise le Portrait de Valérie Neuzil, « Wally », pendant de l’Autoportrait à la lanterne chinoise. Cette œuvre qui semble être construite comme un double du portrait de Schiele vient littéralement compléter l’artiste. Différente de toutes les toiles réalisées auparavant, elle est plus réaliste et poétique.

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Wally en blouse rouge allongée sur le dos, 1913.

Mais cette histoire d’amour ne dure pas. Après avoir été chassés de la petite ville ou Schiele et Wally Neuzil vivaient, l’artiste retourne à Vienne et rencontre Édith Harms, avec qui il se marie en 1915. Cette dernière lui inspira l’une des œuvres les plus connues du peintre, L’étreinte (Amants II) (en image à la une, ndlr).

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L’étreinte (variation), 1917

Véritable point d’orgue du style semi-classique de la fin de sa vie, Egon Schiele symbolise un moment hors du temps. Loin de toute obscénité, cette toile apparait comme l’icône d’une étreinte mutuelle et infinie…  qui résonne avec le destin tragique de ses figurants. En 1918, Édith Harms alors enceinte de 6 mois, meurt de la grippe espagnole. Quelques jours après elle, le 31 octobre 1918, le peintre décède de la même infection.

L.M

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