Petite histoire des vols-au-vent ou bouchées à la reine,

Suivi d'une recette authentique

Cuisine

25JAN. 2021

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Petite histoire des vols-au-vent ou bouchées à la reine

Suivi d'une recette authentique

25 JANVIER . 2021

Écrit par Morgan Malka

Photographies par Esther Ghezzo

Qu'on la nomme vol-au-vent ou bouchée à la reine, cette somptueuse recette symbolise à elle seule la grandeur de la haute cuisine française. Certains chérissent encore le souvenir d’un feuilletage craquant libérant une multitude de fines bouchées délicieuses et variées, les béatilles. Rien à voir, pourtant, avec le vol-au-vent d’aujourd’hui. Enquête sur ce qui fut au sommet de notre gastronomie.

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DR

La mise en pâte, une idée ancienne

Les Babyloniens étaient déjà friands de l’idée : la pâte protège des surcuissons et dévoile tel un trésor le secret qui s’y cache. Au fil des siècles, la pâte s’est affinée et est devenue un élément à part entière des mets mis en pâte.

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DR

Au XIXe siècle les Parisiens -qui possédaient autrefois la cuisine la plus délicieuse de France et probablement du monde- avaient un vocabulaire richement garni pour différencier tant de succulences. Vol-au-vent, bouchées à la reine, pithiviers, puits d’amour, mille-feuille, viennoiseries, galettes des rois…

 

Dans le vol-au-vent, ni poulet ni crème mais des béatilles

Tout commence avec les bouchées à la reine, volontiers associées à la reine de France, Marie Leszczynska, épouse de Louis XV. Vincent La Chapelle, pâtissier de son état invente les puits d’amour pour la maison Stohrer (toujours en activité aujourd’hui).

La pâte feuilletée est déjà en vogue depuis le XVIIe siècle mais n’est pas encore aussi légère que ce que nous connaissons. Le pâtissier de la reine aurait, dit-on, concurrencé La Chapelle en créant une version salée.

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On ne sait pas grand-chose du contenu qui s’y trouvait mais il y est probablement déjà question de béatilles, une association gourmande dont toute l’aristocratie raffole depuis le XVIIe siècle. On y rassemble des truffes, des crêtes et des rognons de coq (il s’agit en réalité des testicules du coq, les volailles possédant un gésier, se passent volontiers de reins), ris de veau, cervelles d’agneau, truffes, quenelles de volaille, olives vertes et champignons de Paris.

Ces éléments taillés en bouchées sont liés d’une sauce, on parle alors de salpicon. Cette association de produits serait originaire de Turin dans le Piémont et porte le nom de Finanziera. En France elle prendra le nom de Financière. Contrairement aux idées reçues, son équilibre est parfait, les différentes consistances sont complémentaires et les goûts bien distincts. On y ajoute parfois des écrevisses.

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Vol-au-vent ou bouchées à la reine ?

Sous le Premier Empire, un cuisinier éclipse toute concurrence : Antonin Carême conçoit la cuisine comme une architecture gourmande faite d’édifices comestibles et dispose grâce à son maître Talleyrand d’un budget illimité.

Carême perfectionne la pâte feuilletée. Le beurre, en chauffant, crée de la vapeur et soulève ainsi les couches de pâtes. Un jour elle lève si haut qu’un des aides du maître se serait écrié : « Regarde Antonin, il vole-au-vent ! ». Néanmoins le nom de vol-au-vent apparaît déjà dans des ouvrages culinaires d’avant la naissance de Carême. Mais le narcissisme du génie de l’Empire volait lui aussi très haut et avait tendance à s’attribuer tout ce qu’il listait dans ses ouvrages.

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Au XXe siècle l’illustre cuisinier Auguste Escoffier cherchera à produire une grande variété de garnitures. L’homme sait se faire poète quand il nomme ses préparations et on découvre ainsi en plus de la célèbre bouchée Financière, les bouchées Bouquetières, Diane, Grand-Duc, Montglas, Victoria ou Nantua.

Depuis, on s’écharpe sur la bonne façon de les nommer. Certains s’entendent sur une solution, la bouchée à la reine serait un plaisir égoïste alors que le vol-au-vent d’une plus grande dimension se partage en succulence orgiaque. En vérité, il s’agit de la même chose que chacun nommera comme il lui plaît et portionnera comme il l’entend.

 

Atterrissage funeste, le vol-au-vent de nos jours

Après avoir brillé sur toutes les tables couvertes de baccarats, le vol-au-vent est devenu une habitude domestique. Les abattis de coq se sont changées en blanc de volaille baignant dans une abondance de crème comme il est d’usage de le faire quand on ne sait pas lier les sauces.

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DR

Les derniers soubresauts furent ceux de 1990 quand les boîtes d’aluminium qui contenaient une sauce « financière » prête à l’usage furent retirées des rayons où elles ne trônaient déjà plus qu’à Noël. Les géants du glaçon à déguster proposent encore des timbales de pâte feuilletées surgelées prêtes à être flanquées de ce qu’on jugera opportun d’y mettre.

Le vol-au-vent n’est plus. Mais dans l’ombre des bonnes cuisines, les Jean Moulin de la crête de coq résistent à l’industrie dévorante pour produire pour quelques habitués, l’authentique bouchée des seigneurs de la serviette.

M.M


Découvrez la recette du vol-au-vent de nos Renards Gourmets ici.

 

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