Yves Klein érotique, le bleu au corps

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29AVR. 2021

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Yves Klein érotique, le bleu au corps

29 AVRIL . 2021

Écrit par Laure Martin

Artiste incontournable du milieu du XXe siècle et membre fondateur du mouvement des Nouveaux Réalistes, Yves Klein marque l’Histoire de l’art par sa singularité et son imaginaire sans limite. Dans sa quête d’immatérialité et de spiritualité, sa création artistique a toujours rimé avec monochromie, bleu… et corps féminin. Retour sur la brève existence d’un artiste avant-gardiste qui n’a eu de cesse de repousser les frontières du possible … et de l’érotisme.

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Yves Klein, un artiste autodidacte de Nice à Paris

Né à Nice en 1928, Yves Klein grandit dans une famille artistique. Sa mère, Marie Raymond, artiste peintre issue de la bourgeoisie provinciale, et son père, Fred Klein, artiste peintre d’origine néerlandaise, travaillent entre Paris et Nice. Très vite, ils côtoient l’effervescence artistique parisienne et mènent la vie de bohème dans le quartier de Montparnasse. Ils y rencontrent des artistes incontournables tels que Jacques Villon (le frère de Marcel Duchamp, ndlr), František Kupka ou encore Piet Mondrian…

Bercé par la passion de ses parents et son travail à la librairie de sa tante, Rose Raymond, où il se lie d’amitié avec le poète Claude Pascal et l’artiste Arman, futur membre du mouvement du Nouveau Réalisme, Yves Klein construit peu à peu sa pratique artistique en tant qu’autodidacte.

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Son goût prononcé pour l’aventure le pousse à quitter son sud natal pour voyager à travers le monde. À vingt ans à peine, il visite l’Italie aux côtés du peintre Lucio Fontana — connu pour ses toiles abstraites monochromes et déchirées — puis découvre l’Angleterre et assiste l’encadreur Robert Savage qui l’initie à la dorure sur feuille. Il part ensuite en Irlande et en Espagne, mais c’est lors de son séjour au Japon qu’une nouvelle manière de penser le gagne… Car c’est au pays du soleil levant qu’il se forme à la pratique du judo, art martial qu’il enseigne et documente quotidiennement. Influencé par cette nouvelle passion et plus globalement par la culture nippone, il amorce une réflexion artistique sur la thématique du monochrome et la puissance de la couleur…

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Le bleu, devenu le symbole de sa création artistique

« Jamais par la ligne, on n’a pu créer dans la peinture une quatrième, cinquième ou une quelconque autre dimension ; seule la couleur peut tenter de réussir cet exploit. » À son retour à Paris, en 1954, Yves Klein déploie une pratique centrée autour de la couleur. Si lors de sa première exposition, ses tableaux Monochromes présentent différents coloris, à l’automne 1956, l’artiste décide de se concentrer sur le bleu pour peindre un « espace-couleur » infini. Grand perfectionniste et philosophe, il décide alors de mettre au point la couleur IkB (International Klein Blue) afin de créer « la plus parfaite expression du bleu » et de symboliser la sensibilité individuelle infinie contenue dans la mer et le ciel. Le fameux bleu Klein est né.

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            « Le bleu n’a pas de dimension, il est hors dimension, tandis que les autres couleurs, elles, en ont […] Toutes les couleurs amènent des associations d’idées concrètes […] tandis que le bleu rappelle tout au plus la mer et le ciel, ce qu’il y a de plus abstrait dans la nature tangible et visible. » – Yves Klein

 

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Privilégiant l’imaginaire à la forme, Yves Klein développe ainsi une pensée artistique singulière et novatrice remarquée par les professionnels internationaux du monde de l’art. En 1957, deux expositions conjointes « Yves Klein : Propositions monochromes » attirent les foules à Paris à la galerie Iris Clert et à la galerie Colette Allendy tandis que de nouvelles expositions s’organisent au-delà des frontières. La même année, le travail de l’artiste trouve grâce aux yeux des publics allemands et anglais.

 

 

Anthropométries : l’œuvre au corps

Loin de vouloir se limiter à la matérialité de l’œuvre, Yves Klein décide de renouveler sa création artistique en inventant de nouvelles possibilités… liées au corps humain. Nous y voilà ! Lors du vernissage de la galerie d’Iris Clert, Klein réalise sa toute première performance, un lâcher de 1 001 ballons bleus place Saint-Germain-des-Prés. Mais l’année suivante, en 1958, il pousse davantage sa réflexion sur le geste et imagine une nouvelle manière de créer… en puisant son inspiration auprès des corps de ses modèles féminins.

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Plus particulièrement, en 1960, il commence à enduire de peinture bleue sa compagne, Rotraut Uecker, et lui demande de venir déposer les traces colorées de son corps sur une grande feuille de papier blanc fixée au mur… L’idée des « pinceaux humains » est née. Avec les traces inscrites sur le support de ces nouvelles œuvres, appelées désormais « Anthropométries de l’époque bleue » par son ami et grand critique d’art, Pierre Restany, l’artiste souhaite ainsi fixer la fugacité des moments de chair… et explore à nouveau le rapport au temps tout en renonçant à l’idée d’une représentation mimétique de l’instant. L’idée d’Yves Klein, période érotique, n’est pas de « sexualiser » l’oeuvre, mais bien de la « sensualiser », pour reprendre les mots de l’artiste.

 

« C’était très intéressant pour moi, que le corps et l’âme ne fassent qu’un » – Rotraut Uecker

 

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Peu à peu, Yves Klein développe sa pratique et voit les choses en grand. Ses performances  s’exposent devant un public, des musiciens, photographes et vidéastes. Si l’on devait retenir une seule de ces soirées ? Sans aucun doute sa démonstration technique à la Galerie Internationale d’Art Contemporain de Paris le 9 mars 1960 devant une centaine d’invités. Pendant que les musiciens interprétaient la Symphonie Monoton Silence — œuvre musicale réalisée par l’artiste lui-même et composée d’un seul accord pendant une durée de vingt minutes et d’un silence absolu de la même temporalité — Klein, vêtu d’un smoking tiré à quatre épingles, dirige les corps nus féminins sur la toile… Témoins d’un moment de grâce érotique absolu.

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Devenu internationalement reconnu pour sa singularité et son ingéniosité, Klein voit fleurir les expositions rétrospectives au Museum Haus Lange de Krefeld en Allemagne et à New-York, au sein de la galerie du célèbre marchand d’art Leo Castelli. Plus prolifique que jamais, il n’a de cesse d’expérimenter les possibilités de la création et célèbre son amour pour sa femme adorée, lors de leur mariage en janvier 1962. Las, l’artiste au cœur fragile meurt quelques mois à peine au sommet de son art et de sa passion amoureuse, le 6 juin 1962, deux mois avant la naissance de son fils. Pour une bien brève histoire de l’art érotique.

L.M


Pour découvrir les œuvres de l’artiste en vrai (quand cela sera possible!)…

Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou
Place Georges-Pompidou, 75004 Paris

Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain (MAMAC)
Place Yves Klein, 06000 Nice

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