Île d’Aix : les meilleures huîtres sont sauvages

Quand on parle de l’île d’Aix, on pense à Napoléon, puisque c’est de ce petit bout de terre de 3km de long que l’empereur a quitté définitivement la France, sous escorte anglaise, pour Sainte-Hélène. Mais ce n’est pas un pèlerinage bonapartiste qui nous a y conduit, début novembre, période de grande marée avec de gros coefficients. C’est la pêche aux huîtres !

Vous le savez, aux Hardis, on aime les huîtres. Elles se trouvent souvent au coeur de nos articles, stars de Prat-ar-Coum ou fraîches et locales dans les casiers Poiscaille qu’on commande pour cuisiner. D’ailleurs, on vous a souvent soufflé mille façons de les déguster, à travers nos recettes originales de Noël, nos coups de coeur gastronomiques et autres traditions parisiennes de bistrot. On est même allés les goûter de l’autre côté du globe et on en a rapporté de drôles de recettes… Bref, les huîtres, ça nous connaît.

Des millions d’huîtres sauvages

C’est ainsi qu’on ne pouvait pas rater, sur une partie de la façade ouest d‘Aix, une jolie colonie d’huîtres sauvages qui s’est installée depuis des décennies et s’épanouit au gré des marées. Depuis le rivage et sa petite langue de sable, quand la mer se retire, on crapahute sur un plateau rocheux -prévoir des bottes à semelles épaisses-  et après une cinquantaine de mètres vers le large, première rencontre avec une concrétion haute d’une trentaine de centimètres, gris argenté avec des reflets verts, le tout ciselé et dentelé, l’ensemble en forme de gros obus arrondis. Puis une deuxième et puis d’autres qui s’étalent partout, au fur et à mesure que la mer descend. A droite, à gauche, on marche sur des huîtres agglutinées les unes aux autres au point qu’il est difficile de repérer leur contour.

Banc d’huitres à marée basse à l’ile d’Aix. Photographie prise avec Nikon Z50.

Le premier jour, le spectacle est déconcertant. Voir ces millions d’huîtres, les unes sur les autres, tellement imbriquées qu’une lame de couteau ne peut s’y faufiler. A quelques encablures du rivage, elles sont encore petites, tout juste n°5, voire moins, tandis que des coquilles de deux ou trois centimètres sont  accrochées sur leurs faces. Au fil de la marée descendante, la taille augmente, mais elles sont toujours collé-serré…

Des concrétions d’huîtres partout autour de nous ! Photographie prise avec Nikon Z50

Pêcher les meilleures huîtres sauvages en règle

Armé d’un panier, de gants et d’un piochon, la pêche va pouvoir commencer. Ce jour-là, l’air était frais, mais le soleil montait tranquillement, réchauffant l’atmosphère iodée du banc d’huîtres. Quelques dizaines de matinaux, habitués du coin, étaient à pied d’œuvre. Les rayons du soleil se reflétaient dans les mares prisonnières de ces blocs d’huîtres sur lesquels il était temps de s‘essayer. Il faut repérer les plus saillantes et leur donner un petit coup de piochon pour les désolidariser de leurs congénères. Faute d’expérience, une fois sur deux, on en décroche quatre ou cinq à la fois, qu’il faut ensuite tenter d’isoler.

Il faut s’armer d’un piochon pour séparer les huîtres… Photographie prise avec Nikon Z50.

Parfois, un coup fâcheux de piochon en éventre une… Mais cette maladresse n’est pas si fâcheuse : équipé d’un canif (ou d’une cuillère pour les plus prévoyants) la dégustation, pieds dans l’eau, d’une de ces sauvageonnes bien charnues, bien iodées, croquantes à souhait, est un délice unique qui émoustille les papilles matinales. En principe, on part à la pêche avec l’intention de la rapporter au rivage et de la partager en aimable compagnie (et pourquoi pas en sirotant une coupe de champagne). Mais l’huître sur place au petit matin, quel plaisir ! 

Péché mignon ! De retour de la pêche, les huîtres au four avec une noisette de beurre, des échalotes et du vin blanc. Photographie prise avec Nikon Z50.

Plus le coefficient de marée est élevé (entre 90 et 105 pour notre échappée) plus la mer se retire et découvre les huîtres plus âgées. Donc plus grosses. Sans pêcher des « pied de cheval », ces belles grosses huîtres aux formes arrondies, de vraies géantes très rares qui justement poussent en pleine mer à l’état naturel, nous avons ramassé quelques coquillages d’exception, de taille 00 qui laissent en bouche une longue palette de goûts si riches.

Le jour de la marée de 105, alors que la mer découvre des fonds habituellement protégés, quelques pétoncles émergent de ci de là, du sol sablonneux, verdis de petites algues accrochées au rocher. On s’approche et les deux coquilles, délicates Saint-Jacques miniatures, se referment en recrachant un petit jet d’eau. La variété de couleurs de ces bivalves est étonnante. Et quelle finesse de goût, pour ce mollusque que l’on va découvrir au retour de la pêche…

L’envie de piocher, de ramasser, de déguster est néanmoins réfrénée par quelques règles de respect de la ressource : pas plus de cinq kilos par marée et par pêcheur, pas d’huître de moins de 5 cm, pas de pétoncle de moins de 4 cm et d’autres restrictions sur les bouquets, tourteaux et autres moules. (Ces dernières sont d’ailleurs excellentes !)

Chargée d’un panier plein (sans excès, donc) on quitte l’estran et ses couleurs acier, terre de sienne et ocre clair. L’air est léger, l’échange joyeux avec les autres pêcheurs, heureux comme nous de ces deux belles heures au bord de l’eau. Tout le monde enfourche un vélo déglingué, seul véhicule autorisé sur l’île, et longe les batteries de Jamblet et bois-joli qui émergent à trois ou quatre mètres de haut. Aix est un ancien fortin, une garnison, une prison pour communards, prisonniers russes ou algériens, mais aujourd’hui c’est un petit croissant de terre paisible où l’on cultive l’art de bien vivre (et parmi les meilleures huîtres à notre connaissance) dans une nature baignée d’embruns, d’effluves de pins et du clapotis des vagues.

P-M.C

A la pêche aux meilleures huîtres

Non, ces huîtres ne se trouvent pas dans le commerce… En revanche, si vous passez un week-end ou vos vacances de fin d’année sur l’île, libre à vous de tenter l’expérience. 

Attention, l’hôtel est fermé en cette saison, mais vous pouvez toujours louer une maison de particuliers.

Pour préparer votre séjour, rendez-vous sur le site de l’office de tourisme de l’île d’Aix.