Route des vins d’Auvergne, la vigne à flanc de volcan

 Route des vins d’Auvergne, la vigne à flanc de volcan

Plus confidentielle que la Loire – dont elle fait pourtant partie, moins sous les feux de la rampe que le Jura (pour le moment), l’Auvergne est la nouvelle terre promise des amateurs de pinots noirs, chardonnays, et autre puissants gamays enracinés dans ces sols de granit et de basalte, à l’origine de rouges puissants, de blancs terriens, mais aussi de rosés touchés par la grâce.

Longtemps considérés comme pures picrates – après un âge d’or qui dura jusqu’à la fin du XIXème siècle, durant lequel on y produisait plus de vin qu’en Bourgogne – les vins d’Auvergne renaissent aujourd’hui de leurs augustes cendres.

Quelques jours entre vignes et volcans, de Volvic à Clermont en passant par Corent

Lapilli, version durable et volcanique

Sur les pentes des puys de Marmant, de Tobize et de Corent, Elsa Provenzale et Géraud Dubuis incarnent cette nouvelle génération de vignerons qui n’a pas finie de faire parler d’elle. Leur Domaine Lapilli, fondé en 2023, s’étend sur cinq hectares, repris à Marc Pradier, figure de l’appellation Côtes-d’Auvergne en bio.

Les vignes du domaine Lapilli © Emmanuel Laveran

Lapilli ? C’est le nom de ces petits fragments de pierre volcanique éjectés par les éruptions, symboles d’un terroir unique que le couple a choisi de révéler. Gamay d’Auvergne mais aussi cépages nobles bourguignons comme le pinot noir ou le chardonnay s’enracinent ici dans des sols nourris de basalte, pépérite ou pouzzolane. Un héritage géologique qui donne aux vins une identité marquée, tendue, minérale voire saline selon les cuvées.

À 30 ans tout juste passés, le couple, qui a fait ses classes auprès de Pierre Frick ou encore Gramenon dans la Drôme, revendique un modèle d’exploitation à taille humaine ou chaque geste et décision est maîtrisé à deux. Travail à la main, labours au cheval, respect du calendrier lunaire, vinifications naturelles : leur credo est clair, tendre vers des vins vivants et sincères. « On ne met quasiment aucun intrant dans nos vins, on a 2 cuvées 100% nature », explique Elsa, petite fille de vigneron, formée par une famille pionnière du Cognac bio et passionnée depuis l’enfance. Géraud, l’auvergnat, a aussi rejoint ce chemin d’une production saine et respectueuse de l’environnement par conviction et expérience. 

Biodiversité et culture biodynamique au Domaine Lapilli © Emmanuel Laveran

Leur premier millésime, présenté au printemps 2024, a déjà séduit restaurateurs étoilés, amateurs et cavistes. Parmi les cuvées phares : Meïzou, un rouge profond et salin né des cendres volcaniques, ou encore Lapilli Garden, 100 % pinot noir, éclatant de fruit mais affichant aussi une belle longueur qui laisse augurer un excellent potentiel de garde (cette dernière cuvée est élevée en fût et affiche de belles notes vanillées). Des vins sans artifice, qui racontent la roche et les saisons, portés par l’enthousiasme d’un couple attachant.

Une sélection de vins du Domaine Lapilli © Emmanuel Laveran

Avec Lapilli, Elsa et Géraud participent à écrire une nouvelle page du vignoble auvergnat, encore confidentiel mais promis à un bel avenir. Leurs vignes, nichées sur les pentes de 3 anciens volcans et profitant d’orientations et de sols variés, dessinent un paysage de renaissance. Les vins d’Auvergne ont trouvé en eux des ambassadeurs sincères, curieux et courageux qui magnifient déjà les terroirs féconds si prisés des romains.

Domaine Lapilli
Rue Guyot Dessaigne, 63114 Authezat
Rv auprès de Géraud Dubuis au 07 49 14 21 03

Dérapage non-contrôlé à Volvic, ville aquaphile

En descendant de Paris sur le bitume velouté de l’A71, il faudra remonter vers l’impressionnant plateau des Dômes afin de rejoindre la bucolique Volvic, ex-éden d’aquaphiles devenu le creuset des vins éruptifs. Sur le chemin, tricotez-vous un crochet par Riom et sa superbe vieille ville en pierres volcaniques, avant de faire escale au domaine No Control.

Derrière un nom et une typo passablement punk-rocks, Vincent Marie cisèle sur 5 hectares de vignes de superbes gamays, pinots et autres chardonnays.

Domaine No Control
3 rue de la Corix Badière 63530
VOLVIC France
Tél : +33 6 64 23 50 22

La Bohème, ça voulait dire… le vin vivant

A 40 minutes au Sud, dans une rue au nom cocasse de Montfoulhoux, on trouve le fameux Patrick Bouju, ex-informaticien devenu vigneron et chef de meute de la renaissance nature auvergnate.

Une icône autodidacte d’une rare érudition en matière de viticulture et de vinification, produisant chaque millésime des vins dont on se souvient. Parmi nos favoris, l’évocateur Sein pour Sein, un somptueux pinot noir de pur terroir.

Domaine la Bohème 
1 Rue de Montfoulhoux
63800 Saint-Georges-sur-Allier France
Tél : +33 6 50 07 97 11

Corps-à-Corent

Avant de se lancer vers la conquête de l’ouest, faites escale à Gergovie, majestueux plateau rendu célèbre par Vercingétorix, idéal pour s’envoyer de puissants vins basaltiques, aussi chaleureux qu’un soleil couchant sur la plaine de la Limagne, dont ceux de Gilles Persilier, vigneron converti en bio depuis 2009, dont les cuvées permettent d’avoir un bel aperçu des crus locaux, notamment le Chanturgue et le Rosé de Corent —appellation injustement méconnue au bataillon.

Gilles Persilier, vigneron
La Bavoisine 3 bis
Rue du centurion 63 670
La Roche Blanche France
Tél : +33 4 73 79 44 42
Mob. : +33 6 77 74 43 53

Histoire de fesses à l’ombre de L’Arbre blanc

A une bonne vingtaine de minutes, non loin de Saint-Saturnin (superbe église romane auvergnate à visiter absolument sur la route des vins), se cache un couple peu commun, celui formé par Fred – ancien mécano – et Caroline – qui ne répond que sous le sobriquet de Carotte –, vignerons emblématiques de la déferlante nature auvergnate, dont les vins exquis s’arrachent avant même leur sortie.

Leur cuvée phare : Les Fesses, savant mélange de sauvignon blanc et de pinot gris. Et avant de reprendre la route, évitez surtout de goûter à leur goutte…

Domaine de l’Arbre Blanc, Frédéric Gounan
10 Rue de l’Arbre Blanc
63450 Saint-Sandoux France
Tél : +33 4 73 39 40 91

OÙ DORMIR & MANGER

Château Saint-Jean

A moins d’une heure de Clermont-Ferrand, sur la route de Paris, la cité auvergnate de Montluçon accueille un hôtel flambant neuf sis dans un château datant des Templiers. Chambres et suites au calme avec vue sur le Parc ou l’hippodrome de la ville, piscine intérieure design et spa lumineux, l’étape vaut aussi le détour pour ses deux tables : un bistrot gourmand chic et le restaurant gastronomique qui occupe l’ancienne chapelle du XIIè siècle.

© Château Saint-Jean

Aux commandes, le chef Olivier Valade valorise le terroir local (veau bio de l’Allier, omble chevalier aux lentilles, version étoilée…) comme de jolis poissons de mer (turbot, langoustines…) et propose une cuisine précise d’une grande finesse. Bref, le seul véritable hôtel 5 étoiles de la région et une table remarquable qui enthousiasmera les palais les plus exigeants !

Château Saint-Jean
Avenue Henri de la Tourfondue, Parc Saint-Jean
03100 Montluçon France
Tél : +33 4 70 03 26 57

Auberge de Chassignolles

C’est dans une bourgade d’une soixantaine d’âmes du Haut-Livradois, faisant la nique à une superbe église romane que s’élèvent l’auberge de Poppy Saker-Norrish, où pèlerinent chaque année de fins gourmets afin de goûter à la cuisine de la cheffe d’origine néo-zélandaise.

Quelques chambres d’une simplicité virginale, et une atmosphère unique en son genre qui donne envie d’aller bucoliquer dans les montagnes. Sans oublier un menu qui fait la part belle aux légumes du potager et aux champignons des bois en automne + du 100% nature du côté de la carte des vins, idéale pour découvrir les vignerons du coin.

Auberge de Chassignolles
Le bourg
43440 Chassignolles France

Le Comptoir Central des Bazars, à Clermont-Ferrand

Voilà l’adresse qui manquait à la ville. Un comptoir ouvert sur la cuisine, une terrasse de poche au calme d’une ruelle en plein centre et une carte de vins natures longue comme le bras. Tous nos amis vignerons listés ci-dessus sont présents et dûment valorisés. Ici, le semainier vous impose chaque jour un plat ô combien réjouissant.

Le comptoir central des bazars à Clermont-Ferrand © Emmanuel Laveran

On en pince pour les idées bistronomiques-chic-pas prise de tête d’Harry, taulier virtuose au piano. Cette « poule au pot au feu », relevée d’estragon et herbes fraîches, son bouillon ultra gourmand et ses viandes de compétition (boucherie Durif, la meilleure de Clermont) nous rappellent irrémédiablement qu’on n’a qu’une envie quand vient l’automne : retourner casse-croûter en Auvergne !

Le Comptoir Central des Bazars
9 Rue Lecoq
63000 Clermont-Ferrand France

À la lumière de cette route des vins, sinueuse épopée dont la clarté en éblouira plus d’un, la renaissance des vins d’Auvergne constitue la preuve vivante et viticole que le temps est venu d’ignorer enfin la Bourgogne sans vergogne !

Suzanne Syrah