L’Occitane, outsider du Vendée Globe à suivre de près,

Un IMOCA né de l'audace de deux néophytes

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03NOV. 2020

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L’Occitane, outsider du Vendée Globe à suivre de près

Un IMOCA né de l'audace de deux néophytes

03 NOVEMBRE . 2020

Écrit par Patricia Colmant

Photographies par Pierre Bouras

Avec 33 skippeurs (dont 6 femmes !) au départ des Sables d’Olonne, le 8 novembre, le Vendée Globe, cette course autour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance, s’annonce cru exceptionnel. En témoignent « L’Occitane en Provence », son skippeur Armel Tripon et son concepteur Sam Manuard qui aligne un bateau audacieux et innovant. Armel rêvait d’un bateau. Sam l’a construit. Chronique d’une utopie devenue réalité à l’aube de cette 9e édition du Vendée Globe.

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Le skippeur Armel Tripon (à gauche) et l’architecte de L’Occitane Samuel Manuard, à quelques jours du grand départ…

La genèse : un rendez-vous manqué

A moins de 60 milles de son étrave, la splendide baie de Tous les Saints, à Salvador de Bahia (Brésil), attend Samuel Manuard en vainqueur de la Mini-transat 2003. Le jeune dessinateur, constructeur et skippeur de son 6,50 m « Tip-Top » vient de pulvériser le record, pour un si petit bateau, de la traversée de l’Atlantique depuis Ténériffe et s’apprête à réaliser un rêve d’enfant.

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Armel Tripon s’entraînant pour le Vendée Globe à bord de l’Occitane.

Mais le sort en décide autrement. Son mât se vrille brutalement et casse. L’espar gît sur le pont, les voiles faseyent tristement. Et ce fatras de toile devenue inutile anéantit les espoirs de victoire du marin, malgré les 24 h d’avance qu’il a sur le deuxième, Armel Tripon, un jeune inconnu qui a fait ses classes aux Glénans. Le Nantais, novice en régate, a su mener aux avants postes un 6,50 m d’occasion moins performant.

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Comme tous les « Ministes » les deux hommes sont des passionnés de la mer et des bateaux. Cette course à travers l’Atlantique est un banc d’essai idéal pour tester leurs capacités de coureur du large. Sam Manuard a démontré ses talents tant à terre qu’en mer, mais l’histoire retiendra qu’Armel Tripon engrange sa première grande victoire qui va le propulser vers la classe très sélect et disputée des Figaro-Beneteau. Sam, lui remettra sur le métier son ouvrage en construisant à nouveau un bateau pour la Mini 2007.

Les deux hommes ne se reverront qu’une quinzaine d’années plus tard.

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Deux parcours opposés

Au départ, les parcours sont bien différents. Chez les Tripon on ne navigue pas et ce sont des copains de lycée qui initient Armel à l’adolescence à la voile. C’est le coup de foudre, au point qu’il ne veut plus faire que cela. Fini les études. Le sac de marin sur l’épaule, il part s’aguerrir à Paimpol, devient très vite chef de bord.

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« C’était une expérience passionnante. A 19 ans j’étais en charge d’un bateau et de son équipage. Quel contraste avec ma vie d’adolescent pas très responsable ! J’ai appris un métier et des gens m’ont fait confiance malgré ma jeunesse » se souvient Armel Tripon qui, à 45 ans, fait partie des 33 skippeurs qui partiront des Sables d’Olonne le 8 novembre pour un tour du monde en course, solo et sans escale ni assistance. Il sera à bord de L’Occitane en Provence, un IMOCA de 60 pieds très innovant.

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Sam, lui, a été amariné dès la petite enfance. Son père navigue en famille. Très tôt, il assure les manœuvres à bord en vrai équipier.  Jusqu’à 11 ans, il navigue en Europe, en Afrique et passera même 8 mois à Salvador de Bahia, où il a failli entrer victorieux…. jusqu’à ce que son père, Philippe Manuard, décide de rentrer en France afin que son fils fasse des études « sérieuses ».

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« Enfant, je dessinais tout le temps des bateaux, j’adorais naviguer. C’était une obsession » se remémore l’architecte autodidacte. Car étudiant, il n’ose pas aller au bout de sa passion. « Dans les écoles d’architecture navale il y a beaucoup d’élèves mais peu qui réussissent » justifie-t-il aujourd’hui. Alors, il suit des études de géophysique. « Vous savez, il est très très fort ! » lance Armel Tripon.

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Sam fait de brillantes études et son diplôme en poche, le jeune ingénieur travaille pour une entreprise de prospection pétrolière jusqu’à 27 ans. « C’était très intéressant, mais un jour j’ai décidé d’aller au bout de mes rêves. J’ai démissionné, dessiné un 6,50m. Je l’ai construit et je me suis inscrit à la Mini Transat 2001″ raconte-t-il, emballé par cette course au point de remonter un projet deux ans plus tard avec l’issue que l’on connait.

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L’architecte autodidacte et le marin-star

Les performances de ses bateaux n’ont toutefois pas échappé aux spécialistes de la course au large. On le sollicite pour dessiner des Class40, voiliers de course de12 m à succès. « Ça a fait boule de neige. On m’a appelé architecte naval même si je n’ai pas fait d’école » avoue humblement Sam Manuard, qui ne s’éloigne de sa table à dessin que pour tester ses bateaux, à voile, à moteur, à rames… Tout ce qui flotte le passionne. « L’une des grandes qualités de Sam est de ne pas avoir perdu le contact avec la navigation. Il sait ce que sait qu’un IMOCA lancé à 25 noeuds dans du gros temps » commente Armel.

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De son côté, le skippeur poursuit avec succès sa carrière de coureur du large pendant 6 saisons jusqu’en 2010 en Figaro-Bénéteau puis en Class 40. « Au départ, j’aimais juste naviguer, puis petit à petit j’ai pris goût à la performance. J’avais du mal à me confronter aux autres. La Solitaire du Figaro c’est une bagarre à l’usure. J’ai travaillé avec un préparateur mental pour parvenir à dépasser ces barrières ».

 

 

Les IMOCA, des bateaux « assez monstrueux » et un projet audacieux

Armel Tripon devient un skippeur à suivre et Sam Manuard un dessinateur très sollicité quand, un jour de 2017, après la Transat Jacques Vabre, les deux compères de la baie de Tous les Saints se retrouvent en mer sur le trampoline d’un trimaran à discuter. « Sam m’a dit qu’il avait dans ses cartons un IMOCA. J’en ai parlé avec Michel de Franssu, le patron du chantier Black Pepper avec lequel je travaille » raconte Armel. Ce chantier plutôt spécialisé dans les voiliers haut de gamme n’a pas d’antériorité en IMOCA, comme d’ailleurs Sam Manuard.

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Quant à Armel, il a un peu navigué sur ces 60 pieds très puissants, mais n’est pas encore un spécialiste. Et maintenant que ces monocoques sont équipés de foils, ces appendices qui favorisent la sustentation sur les vagues, ils sont encore plus exigeants techniquement et physiquement. « On a conçu des bateaux qui sont assez monstrueux à certains égards » reconnaît le designer.

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Le projet de ces trois nouveaux venus dans le cercle restreint des spécialistes IMOCA est donc audacieux. Le dessin du bateau est élégant et innovant avec des foils qui se rétractent complètement « afin que le skippeur puisse à certains moments désactiver le mode « vol ». C’est important qu’Armel puisse maîtriser la puissance du bateau. »

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L’étrave aussi est une nouveauté. Plutôt que de fendre la vague, elle est arrondie, un peu spatulée pour surfer dessus et limiter les risques d’enfournement au portant (dans les allures du grand sud quand le vent pousse le bateau).

Ces audaces ont séduit le sponsor, Reynold Geiger, patron autrichien de L’Occitane dont on dit qu’il est peu conventionnel et qu’il aime la vitesse. « On devait tous être en phase pour que ce projet aboutisse. L’architecte ne peut pas imposer ses idées. C’est important que le skippeur adhère à 100%, et c’est aussi important que le sponsor accepte les risques inhérents » analyse Sam Manuard qui ponctue en géophysicien : « nous avons bénéficié d’un bon alignement des planètes ! ».

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« Il a fait un bateau audacieux. Et oui, cela me ressemble. Je suis en phase avec cette philosophie » confirme Armel Tripon qui, sur la ligne de départ, sera un outsider à suivre de près.

P-M.C

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