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Road trip en Harley sur la Highway 61, la route qui swingue
05 NOVEMBRE . 2025
On l’appelle la Blues Highway. Le long du Grand Fleuve Mississippi, elle chante le Rock, la Country, la complainte du Blues. Elle donne le rythme, suggère le déhanché. Bob Dylan en fit un symbole de liberté. C'est au guidon d'une Harley Davidson que nous l’avons parcourue. Un mythe pour une destination qui ne l'est pas moins. Moteur !

Arpenter la route 61 sur une Harley-Davidson © Solal Karsenti
Un look, une philosophie … un bruit
Installée depuis 1903 à Milwaukee (Wisconsin), Harley-Davidson se pique de développer des modèles destinés à des bikers esthètes prêts à piloter une moto hors normes (et hors de prix). Une moto un peu rustique, dégoulinante de chromes, pensée pour de grandes chevauchées et road trip aux États-Unis, de préférence en ligne droite. Nos Road Glide (420 kg sur la balance) disposent d’un pare-brise, de valises latérales, d’un top case, d’un dosseret et de plateaux repose pieds pour le passager ! Un bicylindre en V de 1.923 cm3 et 107 chevaux, à la sonorité bien grasse, la propulse. Bras grands ouverts pour s’accrocher aux poignées et jambes étirées vers l’avant, les accélérations sont vigoureuses, la boîte de vitesses récite ses six rapports. On admire le dessin du réservoir, l’épure du guidon… Si une image rebelle a été véhiculée par des films comme L’Équipée sauvage avec Marlon Brando ou Easy Rider et ses deux antihéros juchés sur des Harley Panhead, la marque vend le rêve américain ; notamment aux cadres sup du Vieux continent. Derrière une allure canaille se dissimule une moto finalement bien élevée. Air de voyou, manières de dandy.

Les meilleurs road trip en harley aux USA © Solal Karsenti
Partir pour d’autres cieux
One Way Out des Allman Brothers dans les écouteurs, on quitte la Nouvelle Orléans pour filer vers Memphis. Notre destrier ronronne, vrombit, rugit au gré du relief. Ça sent bon l’essence ! Des ponts surplombent des digues, des cargos, des champs de canne à sucre et de coton, des marais asséchés. Destrehan, une ancienne plantation, a été le théâtre d’une révolte d’esclaves en 1811. Houmas House est The Sugar Palace : cascades, nénuphars, guides costumés. Une fois passé Bâton-Rouge, la navigation est fluide. Les maisons ressemblent à celles des films qui se passent dans les petites villes d’Amérique, des bannières étoilées claquent aux façades. Beaucoup de Noirs, victimes de discrimination, empruntèrent au siècle dernier la Highway 61, pour Memphis, Nashville, le Nord industriel, des cieux plus hospitaliers. En attendant un train, ils chantent leur quotidien. Une musique qui résonnera dans le monde entier.

Beale Street, Memphis © Solal Karsenti
Du blues, du blues, du blues…
Nous sommes dans le Mississipi. Natchez, fondée par des colons français, est connue pour ses maisons antebellum. Des rocking-chairs regardent passer le temps, on boit un verre au Saloon Under the Hill. Dans la région la plus pauvre de l’État le plus pauvre des États-Unis, la Rue principale du Delta est la plus légendaire pour les musicologues. C’est sur cette terre, plate comme une plaque de cuisson, que les cadences du blues ont pris racine. Dans un rayon de 80 kilomètres. Muddy Waters est né à Rolling Fork et a grandi à Stovall Plantation. A Cleveland, sur Dockery Plantation, Charley Patton, Voice of the Delta, a jeté les bases d’une nouvelle musique et l’a marqué de son empreinte. Il ne reste qu’une vieille station-service, quelques baraques et un grand panneau. On dit que c’est le Nazareth du blues ! Des peintures murales, des petits musées, quelques juke joints, bars où les ouvriers agricoles venaient boire leur paye en écoutant de la musique, jalonnent la route.

Les meilleurs road trip en harley aux USA © Solal Karsenti
A Indianola, B.B. King a son Museum, dans l’ancienne usine d’égrenage de coton en briques rouges où il travaillait. Moment hors du temps autour de Blues Boy et de Lucille, sa guitare… A Leland, la porte du Highway 61 Blues Museum est signée Johnny Winter. Sa famille possédait un commerce en ville. A Clarksdale, au carrefour des Highways 61 et 49, Robert Johnson vendit son âme au diable. Du deal naquit Crossroad Blues, enregistré en 1936. Clarksdale où Junior Parker et John Lee Hooker prirent l’Illinois Central Railway. La gare abrite aujourd’hui le Delta Blues Museum. Au Cat Head, magasin de disques, de souvenirs, galerie et sons en live, on achète des affiches de Little Richard, d’Otis Redding, des cadeaux pour les amis… Ground Zero perpétue la musique du Delta. Ce juke joint est la propriété de l’acteur et réalisateur Morgan Freeman. On tape du pied en buvant une bière locale.

B.B. King Museum © Solal Karsenti
Où dormir ? – Cedar Grove Mansion Inn
Histoire, élégance et hospitalité du Sud. Cedar Grove Mansion Inn, manoir de 15 chambres au charme d’antan (il date de 1840), est le joyau de Vicksburg, au confluent du Mississippi et de la Yazoo. Il a, il est vrai, quelques jolis atouts en poche : un parc de 2 hectares, une salle de bal, une piscine, des cheminées en marbre italien, des cadres dorés, du verre de Bohême… Quelques vestiges aussi de la guerre de Sécession. Un boulet de canon est encastré dans un mur du salon ! On booke la chambre Grant du rez-de-chaussée. Le Général et futur 18e président des États-Unis, y passa une nuit. Le lit (à baldaquin) dans lequel il dormit est toujours là.

Cedar Grove Mansion Inn © Solal Karsenti
Cedar Grove Mansion Inn
2200 Oak St, Vicksburg, MS 39180
Où dormir ? – Travelers Hotel
Hommage au delta du Mississippi et à ses traditions artistiques, le Travelers Hotel s’est installé dans un bâtiment des années 1920 qui servait d’escale aux cheminots de passage. Ce boutique-hôtel de 20 chambres est à l’initiative d’un collectif dont la mission est de revitaliser le centre-ville de Clarksdale … par l’Art. L’intégrité historique du bâtiment a été préservée, briques rouges, immenses fenêtres, nom d’origine. Le lobby est un espace ouvert avec de hauts plafonds de style industriel, décorés de meubles modernes (milieu du siècle dernier) et d’œuvres originales. L’ambiance est propice à plonger dans les profondeurs du blues traditionnel.

Travelers Hotel © Solal Karsenti
Travelers Hotel
212 3rd St, Clarksdale, MS 38614
Sur la route de Memphis
On reprend la route, direction Memphis … forcément. La ville accoucha du Rock’n’roll. Sun Studio est son berceau. Johnny Cash, Jerry Lee Lewis, Carl Perkins y enregistrèrent leurs premiers disques. On y décela, en 1954, le talent d’un certain… Elvis Presley. Aujourd’hui c’est un musée. A quelques pas, Stax Records a gravé Otis Redding, Isaac Hayes, Wilson Pickett. Il a fait place lui aussi à un musée, celui de la Soul. Le légendaire Studio A a été reconstitué, la Cadillac dorée d’Isaac Hayes est exposée. On emprunte un tramway pour rejoindre Beale Street. Alors fréquentée uniquement par la communauté noire, le jeune Presley venait écouter B.B. King. Des clubs perpétuent les douze mesures. Un musée national des droits civiques s’est installé dans l’ancien Lorraine Motel. Martin Luther King est assassiné, en 1968, dans la chambre 306.

Stax Museum © Solal Karsenti
American Dream !
Graceland est un stop obligatoire, tant la légende du King est grande. Des centaines de milliers de visiteurs du monde entier s’y bousculent chaque année. On défile avec des baladeurs sur les oreilles, on s’arrête devant des voitures, des costumes, des avions ; une Cadillac rose modèle 1955, son écurie de Harley ; dans la demeure où il vécut 20 ans. Bon chanteur, bon fils, bon père, bon soldat … évidemment. L’American Dream ! On brunche chez Arcade, au bar ou dans un box, portés par d’anciens standards et d’authentiques BBQ : pulled pork, pulled chicken, pulled beef. Totalement fifties. Beauty Shop Restaurant est l’ancien salon de beauté où Priscilla faisait exécuter ses volumineuses coiffures ruche. Fauteuils sèche-cheveux et lavabos, raviolis à la ricotta, gâteau rouge à étages glacé à l’hermine, ambiance branchée. On termine la soirée chez Earnestine & Hazel’s, une ancienne maison close. On écoute du jazz, du blues, on mange un Soul Burger, comme jadis Aretha Franklin et Tina Turner. Le lieu inspira Honky Tonk Women, la chanson des Rolling Stones. I met a gin soaked, bar-room queen in Memphis. She tried to take me upstairs for a ride…

Graceland © Solal Karsenti
Où dormir ? – Peabody Hotel
Les célébrités du monde entier sont descendues au Peabody Hotel, palace de 464 chambres, réputé pour son luxe et sa cuisine. Moulures, miroirs, meubles d’époque (l’hôtel date de 1869), théâtralisent le passé. Tous les jours, cinq canards, résidant au sommet de l’hôtel, prennent l’ascenseur pour s’ébrouer dans la fontaine du lobby, surnommé le salon de Memphis. Un préposé aux canards déroule le tapis rouge. Dans la galerie commerciale parade la boutique Lansky, l’habilleur du King. Une chemise bleu pâle étale des motifs de toutes les couleurs.

Peabody Hotel © Solal Karsenti
Peabody Hotel
149 Union Ave, Memphis, TN 38103
Nashville on the rock !
Notre Road Glide déroule l’asphalte. Son ronronnement est joyeux. Il n’est pas question de battre des records de vitesse, la vitesse est limitée à 110 km/h sur les 212 miles (340 km) qui nous séparent de Nashville. Autoproclamée Music City (une guitare électrique lui sert de logo), la capitale du Tennessee est le berceau de la Country, un blues des blancs où l’on chante, chapeau de cow-boy vissé sur la tête, la vie de tous les jours, la ferme voisine. Nashville a son Broadway, alias Honky Tonk Highway. Alignement de bars, de restaurants, de boutiques de vinyles, de souvenirs sponsorisés par des vedettes locales. Jour et nuit, des guitares chantent et des bottes western claquent sur le plancher. Dans le quartier de Printer’s Alley, des comptoirs en bois sombre s’étirent sur toute la longueur des bars. On commande un Jack Daniel’s…

Nashville © Solal Karsenti
Un album de famille géant
Beaucoup de musiciens ont fréquenté les studios de Nashville : Dolly Parton, Willie Nelson, les Beatles comme les Rolling Stones, Bob Dylan et même notre Johnny. Taylor Swift plus récemment. Tous et toutes ont déambulé dans Music Row, un quartier où les studios d’enregistrement jouxtent les bureaux des majors. Sun s’y est installé après avoir quitté Memphis. Le Country Music Hall of Fame and Museum est un album de famille géant, débordant de disques d’or et de films d’archive. 2 millions d’artefacts sont exposés. On s’attarde devant une guitare de Johnny Cash, un costume de scène lamé or, une voiture avec des colts fixés sur les ailes. On pousse jusqu’au mythique Studio B de la maison de disques RCA. 35.000 chansons y sont nées, des hits intemporels. On écoute la voix veloutée du King. Le National Museum of African American Music retrace 400 ans d’histoire de la musique afro-américaine ; Jefferson Street Sound préserve l’héritage d’un quartier rayé de la carte, la faute à la construction d’une autoroute urbaine. On y croisait Jimi Hendrix, Ray Charles, James Brown…

Nashville © Solal Karsenti
Où dormir ? – The Union Station Nashville Yards
Convertie en hôtel de luxe (125 chambres et suites), The Union Station Nashville Yards est une de ces incroyables gares aux allures de château qui rend hommage à l’âge d’or des chemins de fer américains. Son intégrité a été sauvegardée : lambris, arcades, bas-reliefs, vitraux centenaires de style Tiffany, créatures mythologiques sculptées. Le lobby donne le vertige. On y croise des producteurs, des compositeurs, des musiciens, des touristes. Une chambre est ornée d’une bibliothèque à l’envers. On commande au Bar Car un Abigail, cocktail clin d’œil au fantôme de la gare ; un Azalean, préparé avec un whisky Jack Daniel’s Single Barrel. Le restaurant réside dans les anciens salons réservés aux voyageurs de première. Une musique live anime le hall. Riffs on the Rails !

The Union Station Nashville Yards © Solal Karsenti
The Union Station Nashville Yards
1001 Broadway, Nashville, TN 37203
Organiser son voyage
Spécialiste français des voyages en Harley, West Forever propose aux amateurs de road trip des immersions, clés en main, sur les routes mythiques des États-Unis. En groupe (une vingtaine de bikers maximum), ou en solo. Le circuit « Racines du Blues » relie la Nouvelle Orléans à Chicago, en passant bien sûr par Memphis et Nashville. Un best-seller sur une voie mythique, la Route 61. Des visites culturelles, des rencontres, des moments de détente permettent de savourer pleinement l’aventure. Au bout de la route, des souvenirs impérissables.

Road trip en Harley © Solal Karsenti