Cuisine
Rencontre avec Frédéric Le Guen Geffroy champion du monde de pâté en croûte
07 OCTOBRE . 2025
Champion du monde en titre de pâté en croûte en 2023, Frédéric Le Guen-Geffroy, chef du club privé TP90 Paris, publie le livre de recettes qui fera date dans le domaine chez Larousse. Les fruits du travail d’une année pour le bel ouvrage, d’une décennie pour le titre mondial.
Alfred Reed : Comment avez-vous découvert l’art du pâté en croûte?
Frédéric Le Guen-Geffroy : Je suis breton et un peu fou de charcuterie, je voulais absolument en proposer à mes clients. Ce n’est pas évident à présenter à une table luxueuse comme Le Club 90, sauf à présenter des pâtés en croûte. Je ne savais pas en faire il y a 20 ans, mais des amis meilleurs ouvriers de France sont venus me montrer une fois, deux fois et puis j’ai fait mes propres expériences. J’en ai proposé et je me suis amélioré. Le pâté en croûte c’est vraiment quelque chose d’addictif. On veut le faire avec des produits de saison, en changer les formes : c’est infini les pâtés en croûte !
Frédéric Le Guen Geffroy, champion du monde de pâté en croûte © Delphine Constantini
On ne s’en rend pas compte mais cela nécessite le mariage de trois métiers !
C’était le pâtissier au Moyen-Âge qui s’occupait de la pâte, le charcutier du montage du pâté en croûte et le boulanger de la cuisson. Les pâtissiers se sont dirigés sur des produits sucrés, les charcutiers ont repris la main et changé les pâtes en utilisant du saindoux à la place du beurre. Maintenant on revient à du beurre, c’est quand même plus gourmand ! La base, c’est les pâtissiers, mais depuis les cuisiniers s’occupent de la chair, de l’assaisonnement, des gelées…
Le pâté en croûte basque de Frédéric Le Guen Geffroy © Delphine Constantini
La confrérie du pâté en croûte a relancé un produit tombé en désuétude ?
J’ai retracé l’histoire du pâté en croûte dans le livre et on voit que ça demandait beaucoup de travail et quand les industriels s’en sont emparés c’est devenu vraiment très grossier. Une pâte épaisse, blanche pas bien cuite, une chair très rose avec du sel, nitritée. La première fois que j’ai revu un beau pâté en croûte ? (il est songeur) C’était à l’hôtel 5 étoiles à Paris le Bristol avec un meilleur ouvrier de France qui le préparait dans son coin de façon secrète. Personne n’avait de recette et le pâté en croûte est finalement revenu chez les étoilées, chez les bons charcutiers. C’est plus qu’une mode, c’est de mieux en mieux travaillé, de plus en plus instagrammable. A la sortie du confinement, tout le monde voulait se revoir pour partager des bons moments et c’est vraiment le plat idéal, qui pouvait être partagé à 10, 12, 15 personnes !
Un pâté en croûte pour nombre de convives, par le chef Frédéric Le Guen Geffroy © Delphine Constantini
Je suis aussi bluffé par vos recettes sucrées, en croûte…
Pour certains charcutiers, je peux paraître hérétique. Mais à l’époque c’était tout autant de la viande enfermée dans de la pâte que du poisson ou des fruits, avec à chaque fois un objectif de conservation. Je suis retourné aux fondamentaux, même si faire un pâté en croûte tiramisu, ça n’existait certainement pas à l’époque. (il sourit) Mais des produits sucrés, de vraies pâtisseries en croûte, ça existait déjà depuis longtemps.
Le pâté en croûte tiramisu de Frédéric Le Guen Geffroy © Delphine Constantini
Comment convaincre ceux qui hésitent ?
C’est un produit de partage, qui, quand il est confectionné par un bon professionnel est vraiment extraordinaire esthétiquement et gustativement. S’il respecte son travail, les ingrédients sont parfaitement sourcés : éleveur, cultivateur… Il y a toujours des métiers derrière un pâté en croûte, avec des produits saisonniers. Certains pâtés sont exceptionnels, avec une pâte hyper croustillante au délicieux goût de beurre, une bonne gelée aussi, rien à voir avec les gelées industrielles. Tout peut vraiment être parfait et bon.
Un pâté en croûte original à l’épinard, truite et noix de Saint-Jacques, par le chef Frédéric Le Guen Geffroy © Delphine Constantini
Comment s’est déroulé votre championnat du monde ?
J’ai participé trois fois. Les deux premières j’ai terminé quatrième mondial. C’est déjà pas si mal sur 800 concurrents dans le monde. La première fois, j’ai osé un mélange terre-mer alors que les jurys attendent plutôt un pâté pure viande. La deuxième, mon pâté regorgeait de produits bretons dont une pâte à la farine de blé noir, c’était très qualitatif mais ça sortait trop des sentiers battus. La troisième, c’est presque le pâté en croûte le plus classique que j’ai fait. Même si la rosace à l’intérieur demande énormément de temps. Les produits étaient très bien sourcés : porc, canard, foie gras, ris de veau, girolles…
Le pâté en croûte champion du monde 2023, par le chef Frédéric Le Guen Geffroy © Delphine Constantini
Quelle est la nationalité qui vous a impressionnés lors des compétitions ?
Les Japonais sont vraiment très forts. Ils sont entraînés, passionnés, patients et infatigables, toujours à la quête de la perfection. Certains champions japonais, six mois auparavant, n’avaient jamais fait un seul pâté en croûte. Ils participent à ce concours pour faire briller le Japon.
Dans le livre il y a les déclinaisons régionales, vous parlez de croûte, expliquez moi ?
A l’époque tous les produits étaient cuits dans de la pâte dans un but de conservation. C’était comme un récipient, donc on ouvrait la croûte et on mangeait l’intérieur, mais on ne mangeait pas la croûte. On cassait la croûte ! Après il y a eu une évolution. L’apogée est arrivée quand ça a été servi dans les boulangeries à Paris, à Versailles. Dans les régions, on a imité la Cour du roi. D’où les pithiviers, les timbales, les jalousies.. des croûtes qui ont toutes leurs particularités, servies avec du jus, froides ou chaudes. Des produits en croûte comme le koulibiac, le bœuf Wellington, sont de la charcuterie pâtissière, mais pas du pâté en croûte.
Le pâté en croûte basque de Frédéric Le Guen Geffroy © Delphine Constantini
Il y a un autre champion du monde français qui a vraiment marqué une bascule, c’est Yohan Lastre
Yohan, c’est un astéroïde du pâté en croûte ! Parce que c’est un cuisinier à la base et qu’il fait des pâtés en croûte extraordinaires. Maintenant dans sa boutique, il réalise énormément de choses. Il a été vraiment précurseur dans beaucoup de domaines et notamment dans le pâté en croûte qu’il a décliné de plein de façons.
Le pâté en croûte a ce côté traditionnel voire moyenâgeux et en même temps moderne et créatif. Vous jouez avec les saisons dans votre livre pour le sublimer
La réalisation du livre a pris un an, c’était vraiment ma condition, car je voulais travailler sur les quatre saisons. Il me fallait des produits frais pour chaque. Delphine Constantini, la photographe, a fait un travail exceptionnel. C‘est un produit saisonnier et si on mange toujours les mêmes pâtés en croûte, on peut se lasser.
Un pâté en croûte original aux légumes de Frédéric Le Guen Geffroy © Delphine Constantini
Dans les versions sucrées que vous proposez dans le livre, c’est laquelle version vous a fasciné le plus ?
Il y en a vraiment deux de remarquables : le pâté en croûte tatin vanille qui est une version classique avec un caramel à l’intérieur au goût de pomme caramélisée, comme si on mangeait une tarte tatin, mais enfermée dans une croûte. Et celui rhubarbe, framboises, avec un beau montage de rhubarbe pochée. On est dans les produits d’été et il y a de l’acidité, du sucré, le goût vanillé, du sirop.
Comment vous voyez maintenant le futur du pâté en croûte, qu’est ce qui vous fait encore rêver ?
Je pense que ce phénomène pâté en croûte n’est pas une mode et que ça va continuer. Il y a un effet championnat du monde. Alors allez voir le championnats du monde de l’oeuf meurette, de l’oeuf mayonnaise, du chou farci, du lièvre à la royale, du Pithiviers… Forcément quand on crée des concours avec les meilleurs ouvriers de France, des professionnels, ces produits qui s’endorment, ou paraissent vieillots, se modernisent, se déclinent et rayonnent de nouveau, comme une résurrection !
Le pâté en croûte de Frédéric Le Guen Geffroy © Delphine Constantini
Le livre gastronomique “L’art du pâté en croûte” de Frédéric Le Guen-Geffroy est disponible aux éditions Larousse
Les meilleures adresses de l’auteur pour retrouver les meilleurs pâtés en croûte :
Yohan Lastre
Lastre Sans Apostrophe
188 rue de grenelle Paris 7
Laetitia Visse
La femme du boucher
10 rue de village 13006 Marseille
Thibault Gonzales
L’espace gourmand
3 place de la republique 66300 Thuir
Sébastien Zozaya
17 rue poissonnerie 64100 Bayonne